La linguistique américaine et la « révolution » cognitive

Jean-Michel Fortis

Université Paris Diderot

Introduction

  1. Le propos de cet article est de revenir sur le rapport entre l’évolution de la linguistique américaine et ce que certains ont appelé la « révolution » cognitive1. Ecartons d’emblée une question qui paraîtra oiseuse au fil du texte : savoir si le terme de révolution est bien approprié n’a guère de sens quand on suit de près les continuités et les discontinuités. Il est vraisemblable que l’emploi du terme de révolution a été favorisé sinon induit par la parution du livre de Kuhn2, et qu’il présentait ainsi un double avantage : rapprocher un ensemble de disciplines hétérogènes du fonctionnement des sciences dures, et leur fournir ainsi une vision historique qui anticipe sur l’unification dont elles étaient dépourvues : aussi tardivement qu’en 1978, dans le rapport SLOAN dont Gardner fait grand cas3, on trouve citées bien peu d’études transdisciplinaires : Marr et sa théorie computationnelle de la vision (publiée ensuite in Marr 19824) ; et les études sur la catégorisation des couleurs, à cheval sur une neurophysiologie encore spéculative, la psychologie et la linguistique. On trouve en revanche des échos des dissensions internes à la linguistique. Ne perdons pas de vue, par conséquent, les promesses stratégiques et l’importance de la chasse aux crédits.

  2. En linguistique, la notion, corollaire chez Kuhn, de paradigme peut à la rigueur s’appliquer à la grammaire générative, qui dispose d’un équivalent de ce que Kuhn appelle des généralisations symboliques, des modèles ontologiques, des valeurs (ou critères de validation), et des cas exemplaires. Toutefois, et à l’époque même où la « révolution » générativiste est censée avoir lieu, les théories sont proliférantes et aucune n’a jamais atteint le statut de science normale5. Les discontinuités entre théories existent certainement, mais parler d’incommensurabilité entre les théories masquerait les transitions historiques.

  3. Si le terme de révolution suscite la méfiance, pourquoi l’avons-nous employé ? En décrivant l’évolution de la linguistique dans le contexte de la « révolution » cognitive, nous aurons à discuter des représentations historiographiques et épistémologiques des acteurs. Entendons par là que les paradigmes constitués dans les discussions théoriques et méta-théoriques des acteurs doivent eux-mêmes être l’objet de l’enquête historique. A ce titre, la « révolution » cognitive devient un objet historique, ou, si on veut, méta-historique. Il est remarquable que les linguistes dont nous parlerons ont éprouvé le besoin de se situer dans tel ou tel cadre philosophique ayant des prolongements en psychologie, voire se sont préoccupés d’inscrire leur approche dans l’histoire de ces cadres, et ont tenu à chaque fois à se présenter comme rompant avec un cadre antérieur6.

  4. Pour expliciter les catégories employées par les acteurs, il est essentiel de décrire le contexte culturel où elles sont employées. Or, la « révolution » en question proclame une rupture d’avec le behaviorisme7. Examiner cette évolution et les raisons de constituer cette rupture exige donc de revenir sur le behaviorisme et le rapport de la linguistique au behaviorisme. Encore une fois, cette association entre behaviorisme et linguistique est présente dans le discours des acteurs eux-mêmes, et ce discours mérite qu’on l’examine. Nous en viendrons ensuite à la constitution de la psychologie cognitive et de ce qui est communément décrit par les Américains comme le renouveau mentaliste en linguistique, caractérisé surtout par l’avènement de la grammaire transformationnelle. Nous verrons comment décrire ce tournant mentaliste, et son évolution récente vers des linguistiques qui se démarquent de la grammaire générative. Comme il est essentiel, pour saisir les continuités et les discontinuités, de suivre cette évolution à un niveau de détail suffisant, l’exposé qui suit sera nécessairement long et sans doute trop touffu. Et pourtant il ne prétend nullement être complet. Des modèles théoriques qui n’ont pas formé de groupes importants ou ne figurent pas dans un réseau de références mutuelles et d’emprunts théoriques ne seront pas ou peu mentionnés, même s’ils ont pu être considérés comme importants et ont influencé d’autres linguistes (je pense par ex. à Chafe et Lamb).

Le behaviorisme

  1. Le behaviorisme est un mouvement théorique polymorphe dont les multiples avatars ont en commun de croiser deux préoccupations : une méthodologie saine, qui confine les phénomènes décrits aux comportements observables, et le projet d’une élimination des notions mentalistes (p. ex. idée, volonté), ou de leur réduction au statut d’épiphénomène (s’agissant de la conscience, p. ex.). Il serait tentant de le résumer par la conjonction de trois filières : la psychologie du réflexe, notion d’une très grande importance historique, diffusée sous sa version pavlovienne au début du 20ème siècle, et popularisée dans des cercles variés (dans la presse, chez des réformateurs sociaux, et discutée par des philosophes comme Dewey8). Deuxième filière, les travaux de physiologistes, par exemple Jacques Loeb, un des mentors de Watson, qui s’opposent au vitalisme, et voient dans la réduction physico-chimique des processus vitaux l’avenir de leur science ; Jacques Loeb travailla sur les tropismes animaux, qu’il envisageait clairement comme une réduction physico-chimique, et une élimination, de la notion mentaliste de volonté9. Pour les organismes supérieurs, ces mécanismes physico-chimiques pouvaient être augmentés de processus associatifs « traditionnels », opérant par contiguïté ou ressemblance de stimuli10. Enfin, ce supplément associatif nous conduit à la troisième et plus ancienne filière, celle de l’associationnisme. L’associationnisme n’implique pas en lui-même que l’esprit soit un système matériel, et il faut donc le séparer des affirmations physicalistes de plus en plus pressantes qui résonnent au début du 20ème siècle. Néanmoins, sous sa forme humienne par exemple, il semble préparer une naturalisation de la question de l’origine de la connaissance, en déliant cette question de celle de l’enchaînement des idées claires et distinctes, au profit de connexions répétées entre idées de différents degrés de vivacité11. Sous une forme proto-neuroscientifique, cette promesse de naturalisation est réalisée chez Hartley (1749)12, un auteur qui suscita une véritable dévotion chez des penseurs radicaux de l’époque, et qui ambitionnait d’accomplir pour la psychologie ce que Newton avait fait en physique. Deux siècles plus tard, une figure importante du behaviorisme, Clark Hull, lecteur de Newton lui aussi, se placera sous l’égide de Hume et formera les mêmes vœux13.

  2. Il faut le noter, la notion d’association, qu’elle soit de provenance britannique ou, en Allemagne, herbartienne, n’a jamais quitté l’horizon de la psychologie, même chez les behavioristes employant la méthode du conditionnement. Elle est alors naturalisée, ou « physiologisée », par exemple sous la forme de transferts de réactions physiologiques depuis des mots conditionnés à des mots qui leur sont associés. C’est l’époque de ceux qu’Osgood14 appellera les gadgeteers, qui tentent d’observer des potentiels musculaires ou des réponses électro-dermales corrélées à du matériel verbal, et qui font figure de précurseurs behavioristes des tenants actuels de l’embodiment. Les travaux psychologiques sur les associations verbales ne seront oubliés ni des néo-behavioristes endurcis, comme Osgood, ni des apostats, comme Miller.

  3. Cette triple ascendance du behavorisme se place dans un cadre opérationnaliste et physicaliste. Opérationnaliste, c’est-à-dire dans une perspective qui part de l’idée qu’un concept se définit par les opérations qui servent à le mettre en œuvre, en particulier, chez le physicien Bridgman15, à le mesurer ; et physicaliste, c’est-à-dire endossant la thèse que tout énoncé scientifique est ou sera réductible à des énoncés physiques. Les psychologues consacreront un numéro spécial de la Psychological Review (1945) à l’opérationnalisme et d’aucuns, dont Bloomfield, noteront l’affinité avec le positivisme logique de la même époque16.

Bloomfield et l’interdit mentaliste

  1. Après avoir pris pour cadre la psychologie wundtienne dans son Introduction to the Study of Language17, et produit des articles psychologisants sur la distinction des langues analytiques et synthétiques18, Bloomfield délaisse l’outillage mentaliste de ses débuts et fait pour la première fois allusion à une réduction behavioriste de la signification dans ses Postulates19. L’inspiration provient des Postulates de son mentor en behaviorisme, Albert Weiss20, qui sont un plaidoyer physicaliste pour une science « behavioristique » très englobante, où les organisations sociales sont considérées comme des super-organismes. En matière de psychologie, la position de Bloomfield est duale : il dit à la fois que la linguistique peut se passer de psychologie, et que la psychologie qui lui convient, au moins en sémantique, est le behaviorisme.

  2. Ce revirement antipsychologique a été attribué par Joseph21 à la lecture de Saussure. Cependant, il accompagne des déclarations plus ou moins parallèles de Delbrück22, un néogrammairien, et un mouvement de fond, positiviste, vérificationniste, et physicaliste. Surtout, Bloomfield livre très tôt, dans ses Tagalog Texts23, une analyse très moderne, de style distributionnel, de cette langue des Philippines, analyse d’où est expurgée (presque) toute notion mentaliste. Nous avons là une importante motivation, évoquée ailleurs : la description sèche de la phonologie, de la morphologie, des classes distributionnelles et des constructions d’une langue peut se passer de vocabulaire mentaliste. Il est inutile de dire que le locuteur qui « sent » deux mots comme un composé leur donne un seul accent; le linguiste doit se contenter de décrire ces formes composées24. Autrement dit, l’antipsychologisme répond à un idéal de pure description et de généralisation inductive à partir d’un vocabulaire théorique présenté sous forme quasi-axiomatique (il s’agit de postulats, non d’axiomes).

  3. Autre motivation de l’antimentalisme : le dualisme vacillant de cette époque. Dans Language, Bloomfield nous place devant l’alternative : soit nous sommes mécanistes, soit nous sommes mentalistes25, autrement dit le mentalisme suppose une causalité psychique (comme chez Wundt) qui paraît non réductible au physique. D’autre part, Bloomfield, en néogrammairien, défend le caractère automatique de l’application des lois phonétiques et ne perd pas une occasion d’attaquer tout finalisme en linguistique. Or, à l’époque où il écrit, finalité et intention semblent être irréductibles au mécanique (les dispositifs en feedback et la cybernétique ne sont pas encore en scène). Ensuite, la théorie fait appel à des notions qui ont été retraduites dans une psychologie non-mentaliste, en particulier par Esper, avec qui Bloomfield collabora : ainsi les groupes de formes associées phonologiquement et sémantiquement, qui jouent un rôle important dans la formation analogique et la définition du morphème lié ou de la classe distributionnelle, ne sont plus des groupes de représentations (comme chez Hermann Paul) ; ce sont des stimuli susceptibles de produire des réponses proches. Une contamination n’est pas l’activation simultanée de représentations conscientes (comme chez Hermann Paul), c’est une association créée par la variabilité des réponses à des stimuli qui ont des aspects ressemblants26. On peut donc se débarrasser des denrées mentales à peu de frais : il suffit, comme le disait Washburn27 de savoir parler le behaviorais. Ne dites pas « Untel a l’expérience introspective de… », dites « Untel répond à des stimulations non-localisables de récepteurs28 ».

  4. Bloomfield lui-même29 revendiquera une proximité entre l’opérationnalisme, les idées du Cercle de Vienne, et le physicalisme behavioriste de Weiss30. Sous cette revendication se cache une ruse de la raison épistémologique: la linguistique est en accord avec les idées dominantes et a pour objet un observable, les productions linguistiques, qui conditionnent la division du travail et l’entraide, et par là l’organisation sociale tout entière. L’importance de Weiss pour Bloomfield peut se comprendre par cette portée qu’il confère au langage, la constitution d’un super-organisme social aux facultés décuplées : « The language responses establish the compound multicellular or social type of organization in which there is sensori-motor interchangeability among individuals and within this social organization the individual approaches more closely the hypothetical condition of unlimited sensory range, perpetual youth, immunity against disease, the best inheritance, unlimited physical strength, and unfailing food and shelter resources31 ». La linguistique est donc par implication la science centrale du niveau biosocial (terme de Weiss) d’organisation humaine. Pour qui, comme Bloomfield, a traversé la grande crise de 1929, n’a eu qu’un seul étudiant en thèse, et considérait, dans ce morne contexte, la linguistique comme une discipline précaire, lui conférer un tel statut valait défense et conjuration.

L’héritage de Bloomfield

  1. Le succès de Bloomfield (comparé à Sapir, par exemple) semble tenir au fait qu’il lègue un bagage de linguistique historique, des définitions rigoureuses et en même temps des problèmes ouverts : une théorie de la diachronie d’inspiration néogrammairienne, la correspondance (ou non) entre morphème et séquence de phonèmes, les rôles du sémantique et du distributionnel dans la segmentation, l’analyse en constituants (peu développée, et sans procédure distributionnelle claire) qui voisine avec une conception de la syntaxe comme inventaire de constructions, la notion de trait constructionnel (le taxème, qui stipule p. ex. l’ordre des constituants), le traitement de la morphophonémique, avec déjà des règles présentées systématiquement et des éléments à valeur purement algorithmique dans le travail sur la morphophonémique du menomini32. Ainsi s’ouvriront en syntaxe des champs d’exploration : la jonction entre taxèmes et analyse en constituants sera la tâche de la tagmémique33, l’inventaire des constructions anglaises en termes de constituants immédiats et d’endocentricité sera entreprise par Nida34 et les procédures de segmentation des constituants seront discutées par Wells35, par exemple. Chomsky lui-même, dans un moment non structuralophobique, dira des éléments de morphophonémique du menomini qu’ils constituent le premier fragment moderne de grammaire générative36.

  2. Affirmé par l’aïeul américain de la linguistique considérée comme véritablement scientifique, l’antimentalisme acquiert un poids certain. En outre, cet antimentalisme se trouve conjoint à un idéal de rigueur qui, privilégiant des procédures formelles d’identification des unités (phonèmes, morphèmes, rôles syntaxiques), tend à reléguer le sens des unités à un simple raccourci heuristique pour l’analyse de ces unités (cf. par ex. Trager et Smith37). Fries38 pense exprimer l’avis général lorsqu’il confie que « for many linguistic students the word meaning itself has almost become anathema ». Et Fries39 lui-même définit la signification dans un esprit bloomfieldien : les traits récurrents des stimuli et des réponses propres aux situations où une forme est utilisée. Bien que traitant de la signification des unités et des constructions dans Language, Bloomfield lui-même pouvait inviter à ce contingentement de la sémantique, et surtout de la sémantique lexicale, indispensable et fondamentalement inachevée voire inachevable (cf. Matthews40). Néanmoins, et conformément à Bloomfield, qui glosait John ran comme une construction actor-action, un aspect notable des travaux de Nida, Fries ou Pike est que pour eux les constructions syntaxiques sont pourvues d’une signification. Enfin, dans la lignée de Bloomfield, les parties du discours devraient être spécifiques à une langue car définies distributionnellement. Tel est bien le cas chez Fries41 ou Bloch42. Nous verrons très succinctement le rôle de Harris quand nous aurons à discuter la grammaire transformationnelle.

  3. Pour résumer, au moment où Chomsky entre en scène, son environnement culturel est constitué de travaux post-bloomfieldiens privilégiant l’analyse distributionnelle des catégories et des structures phonologiques, morphologiques et syntaxiques, officiellement antimentalistes, et empruntant parfois le jargon behavioriste pour parler de signification. La syntaxe est fréquemment envisagée comme un inventaire de patrons constructionnels pourvus d’une signification générale.

L’évolution du behaviorisme : les théories média­tionnelles

  1. Afin de rendre compte des cas d’erreurs de performance dues à des réponses prématurées, Hull43 avait postulé l’existence d’une sorte d’autostimulation interne de l’animal, laquelle conduisait l’animal à anticiper la réponse correcte. Cette autostimulation a un composant moteur dans sa version initiale, hullienne. Mais chez des néo-behavioristes tardifs, dans l’approche dite médiationnelle, elle tend à devenir une sorte de variable fonctionnelle implémentée à un niveau plus central. A titre d’exemple, elle sert, chez Jenkins et Palermo44 à expliquer la formation des classes distributionnelles des langues. L’idée est que des stimuli (les morphèmes d’une même classe), en alternant auprès de morphèmes d’une autre classe, forment un groupe lié par une réponse implicite, le morphème de l’autre classe. Des principes d’apprentissage behavioristes servent ainsi à fonder psychologiquement les régularités séquentielles des langues et l’analyse distributionnelle pratiquée par les bloomfieldiens. Nous sommes dans un cadre théorique behavioriste qui admet des inobservables.

  2. Chez un autre néo-behavioriste, Osgood, la notion de médiation est intégrée à une sémiotique behavioriste qui descend en droite ligne de Morris45. La perspective, empruntée à Morris, est la suivante : le signe se définit par sa capacité à former une disposition à des comportements qui sont adaptés à son designatum. Chez Osgood, c’est cette disposition, ou mediating reaction (rm), qui assure la médiation entre le signe et son objet. L’idée est appliquée à une analyse psychologique des valeurs sémantiques associées (ou plutôt connotées) par des mots : les réactions médiatrices rm sont alors des points, indiqués par les sujets eux-mêmes, sur des dimensions polaires comme loud-soft, large-small, happy-sad etc. La somme de ces décisions sémantiques produit un différentiel sémantique qui est censé définir le profil sémantique du mot étudié.

  3. Ces théories médiationnelles sont un chaînon entre le behaviorisme et la spéculation cognitive. Jenkins ne s’opposera guère à la grammaire transformationnelle. Leur insuccès est dû à de multiples causes, certaines internes : ainsi, des prédictions de la théorie de Jenkins ne furent pas confirmées (cf. le témoignage de Jenkins in Baars46). En outre, comme le remarque Jenkins47, le modèle grammatical d’une théorie médiationnelle était du type chaîne de Markov, et les objections de Chomsky à ce type de modèle furent considérées comme décisives. Enfin, les travaux mentionnés portaient sur des aspects que la vague transformationnelle allait recouvrir : les classes distributionnelles n’étaient plus la priorité dans une théorie à prétention universaliste qui ne problématisait pas la définition des parties du discours, préoccupation importante des bloomfieldiens. De même, Fodor accusera la théorie d’Osgood, entre autres choses, de ne pouvoir rendre compte de la compositionnalité sémantique (le point central de Katz et Fodor48) et d’être reconductible aux analyses antérieures qui cherchaient à ancrer la référence des signes dans des comportements observables univoques. L’ancrage référentiel et la connotation n’étaient pas la priorité des transformationnalistes, qui étaient bien plus préoccupés de questions ayant trait à la coréférence et à la pronominalisation, aux restrictions de sélection, ou encore au rapport entre le composant syntaxique et le composant sémantique de la grammaire.

Behaviorisme et théorie de l’information: Miller (1951)

  1. A la suite des travaux de Shannon49 (1948), de nombreux psychologues exploitent le nouvel outillage procuré par la théorie de l’information. Parmi eux, George Miller, psychoacousticien, doté d’une bonne formation en mathématiques, behavioriste sophistiqué qui plongera son regard au-delà des travaux méthodologiquement défendables pour un esprit étroitement positiviste (cf. son manuel de 1962). Miller sera un passeur d’idées et initiera d’autres psychologues à Chomsky50. Il est intéressant de revenir à Language and Communication car l’ouvrage nous fait toucher du doigt ce qui va changer après la grammaire transformationnelle.

  2. Il s’agit d’un texte dont l’horizon de rétrospection est large, plusieurs décennies en arrière (sur la notion d’horizon de rétrospection, cf. Auroux51). Bien que la psychologie y soit définie comme la science du comportement, la partie finale, consacrée à la pensée (thinking) exploite aussi les travaux introspectionnistes, gestaltistes, et en général la littérature pré- ou non-behavioriste. Cet éclectisme est à rapprocher de celui de Neisser52.

  3. En ce qui concerne l’apport plus personnel de Miller, le langage est avant tout appréhendé comme une question d’ingénierie informationnelle : étant donné l’ensemble (théorique) des discriminations permises par des ondes comprises dans les fréquences perceptibles, pourquoi et comment les langues ont-elles effectué des coupes claires dans cet ensemble aux milliards de combinaisons possibles ? La réponse tient essentiellement au besoin de rendre le système de communication robuste aux distorsions et à la nécessité d’introduire de la redondance, tous buts atteints en diminuant le nombre de sons pertinents (moins de sons donc moins d’erreurs), et en les concaténant, ce qui rend les unités informationnelles plus distinctes.

  4. De ce même point de vue procède l’idée que les règles syntaxiques et les contraintes de sélection sémantique permettent d’introduire de la redondance dans la langue, puisqu’elles rendent ces concaténations plus prédictibles. Dans des expériences qui renvoient à une conception statistique des règles de formation des énoncés, Miller montre que le rappel d’énoncés est fonction de l’empan et de la fréquence de collocations53. C’est d’ailleurs à ces travaux que s’adresseront certaines critiques de Chomsky au début de Syntactic Structures54. Mais Miller, à l’époque où il écrit, ne semble guère avoir de doute sur la capacité des procédures par collocations à épuiser la faculté de produire des énoncés : « the variety of sentence forms that a talker uses is not great, and probably the lengths of the patterns that are fitted together into these forms seldom exceed 10 words. The process of forging sentences is not inexplicable, and a clear formulation of what we need to know should lead to better observations and, eventually, better explanations of our verbal habits55 ».

  5. Nous sommes clairement dans un cadre théorique qui, empruntant un langage nouveau (celui de la théorie de l’information), identifie la faculté de langage à un ensemble de verbal habits, comme chez Hockett56, mais en fait un cas particulier de comportement acquis à partir de collocations répétées. Des néo-behavioristes déphasés se réjouissaient encore de cette convergence vertueuse en 1969 : “the study of the sequential or transitional structure of behavior provides a meeting ground for linguistics, information theorists, and learning theorists [= le cœur de la psychologie behavioriste]57”. Mais le point de vue statistique de Miller n’avait pas d’écho réel dans les modèles théoriques des linguistes et comme nous allons le voir, cette convergence avait déjà été dynamitée par les transformationnalistes.  

Sortir du behaviorisme

  1. Le behaviorisme connaît des difficultés internes : des expériences montrent que l’animal n’est pas une tabula rasa soumise à l’effet brut du conditionnement, mais que des biais instinctifs ou cognitifs peuvent compromettre l’apprentissage ou le biaiser. Tel est l’objet, par exemple, des recherches des Breland, dans un article ironiquement intitulé (à l’endroit de Skinner), the misbehavior of organisms .

  2. De manière générale, l’idée que l’apprentissage est cumulatif et ne réélabore pas le matériel acquis commence à être battue en brèche. Attneave (1957) montre par exemple que des sujets peuvent abstraire d’une catégorie d’items le prototype qui a servi à construire ces items, et réagissent à ce prototype comme s’il leur avait été présenté ; c’est donc en contestant l’idée que l’apprentissage résulte d’une exposition passive que le terme de prototype, promis à une grande faveur, est introduit. Bousfield (1953) observe que le rappel de mots semble suivre une logique sémantique, les items de même catégorie tendant à apparaître groupés. Parce qu’il fallait comparer ces résultats avec des normes de fréquence obtenues en demandant aux sujets de lister les membres de catégories, Battig and Montague (1969) compileront des listes qui seront ensuite exploitées par Rosch dans ses recherches sur les catégories sémantiques. Dans le même esprit d’une réélaboration sémantique du matériau verbal, Bransford, Franks et Johnson (1971, 1973) montreront que les sujets reconnaissent faussement des énoncés dont le contenu est proche ou inférable des énoncés présentés. Comme la linguistique de l’époque, la psychologie s’aventure en sémantique.

  3. La psychologie américaine n’est pas monolithique, et dès les années 1930 des chercheurs relativement marginaux s’émancipent du carcan dominant. Le cas de Tolman (1932) est bien connu : il anticipe sur la réintroduction, bien plus tard, des représentations imagées, en faisant l’hypothèse, chez le rat, de l’existence de cartes cognitives des labyrinthes d’apprentissage. Tolman collobora aussi avec Egon Brunswik (1935), membre du Cercle de Vienne, à un théorie probabiliste de la perception, dans laquelle l’organisme est présenté comme émettant des hypothèses sur les moyens de fermer un cycle moyens-fins à partir d’indices de l’environnement. Brunswik exercera une influence indirecte sur Rosch, qui lui empruntera son index de validité d’indice (= probabilité qu’un indice signale l’appartenance à une catégorie donnée).

  4. On retrouve la même conception inférentielle de la perception catégorielle chez Bruner, lui aussi influencé par Brunswik58. A ses débuts, Bruner fut surtout connu pour sa mise en exergue de acteurs affectifs (tabous) et d’attentes sur la reconnaissance et la catégorisation. A Harvard, au côté d Brown et Lenneberg qui travaillaient sur la catégorisation des couleurs, il aménagea le milieu d’incubation d’où émergerait la théorie du prototype59. Si nous reprenons cette dernière théorie comme fil conducteur, nous voyons que les éléments du patchwork sont en place bien avant Rosch, chez des psychologues en marge du behaviorisme.

  5. Les travaux mentionnés ici avaient en commun une vision constructiviste et inférentielle de la perception et de la catégorisation. C’est peut-être cette même vision qui, poursuivie avec constance tout au long de l’ouvrage, fit le succès du livre de Neisser (1967) Cognitive Psychology. Le paradoxe est que le titre semblait introduire une nouvelle approche, alors que l’ouvrage est souvent une main tendue à une psychologie non-behavioriste (p. ex. gestaltiste) datant de plusieurs décennies. Il s’agit d’une approche éclectique, peu favorable à la théorie de l’information et à l’intelligence artificielle, et présentant une synthèse des travaux où perception, mémoire, attention et traitement du langage peuvent être décrits comme impliquant une analyse en unités suivie d’une synthèse exploitant des schémas pré-construits, sensible aux attentes et au contexte de la tâche. Ainsi schémas mnémoniques, patrons visuels, rythmiques et moteurs sont-ils employés pour expliquer la reconnaissance perceptive et le rappel. La grammaire transformationnelle est acceptée sans sourciller, et se trouve d’autant mieux assimilable qu’une structure syntaxique est (assez étonamment) comparée par Neisser à une gestalt surimposée à une séquence verbale. La psychologie cognitive de Neisser et la future linguistique cognitive ont au moins ceci de commun : la réactivation d’idées antérieures au cadre structuraliste et behavioriste.

 Le retour des facultés

  1. Comme le note Baars60, des behavioristes comme Skinner et Hull ne prenaient pas la peine de discuter la notion de mémoire. De la même manière, les facultés d’attention, d’imagination et de conscience étaient mises entre parenthèses. On ne peut s’empêcher de constater que la psychologie réintroduit des facultés dont fera usage ensuite la linguistique. Nous reviendrons sur ce point.

  2. On peut dater approximativement des années 1950 un retour de ces facultés sur la scène psychologique américaine. Il est intéressant de noter que Neisser consacre un chapitre de son ouvrage de 1967 à la « mémoire iconique », c’est-à-dire à cette forme de mémoire immédiate qui est exploitable dans un très bref délai après la présentation d’un stimulus. Une telle mémoire est immédiatement recouverte par les processus de construction et recodage du stimulus, par exemple son codage verbal. Autrement dit, la mémoire est constructive dès les premiers stades. Au-delà de ce stade « iconique », mis en évidence en particulier par les travaux de Sperling (1960), le même type d’observations sur les différents décours temporel de traces et le rôle des aspects sensoriels ou sémantiques dans l’évolution de ces traces conduit à un modèle multistore, où la mémoire est séparée en trois capacités : iconique, à court terme, et à long terme61.

  3. Dans un second temps, cette perspective multistore est répudiée au bénéfice d’une conception fonctionnelle, dans laquelle l’empan des différentes formes de mémoire dépend du type de traitement appliqué au matériel expérimental62. La rétention à long terme, par exemple, est typiquement caractérisée par l’exploitation des aspects sémantiques de ce matériel. Par cette voie, les recherches sur la mémoire permettent d’aborder la question du traitement sémantique, en confluence, par exemple, avec les travaux déjà mentionnés sur l’importance des associations sémantiques dans le rappel de mots ou de propositions. Les modélisations en réseau sémantique de ces mêmes années (p. ex. Collins et Quillian 1969) témoignent d’autres tentatives de fournir une représentation structurée de la mémoire à long terme (pour une critique, voir Rastier 1991).

  4. C’est également dans les années 1950 que le concept d’attention réapparaît au premier plan dans la psychologie américaine, après une éclipse masquant l’explosion des travaux qu’il avait suscités vers la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. Chez Wundt, l’attention, sous le nom d’aperception, était cruciale puisqu’elle servait à distinguer les associations, passives, et les combinaisons aperceptives, où la volonté a un rôle dans la sélection et l’inhibition d’éléments entrant dans la composition de la représentation totale (Gesammtvorstellung) ; or, l’analyse aperceptive était au fondement de la structure sujet-prédicat63. Des idées apparentées resurgiront en linguistique cognitive, chez Talmy et Langacker.

  5. Bien que Neisser (1967) craigne encore que sa connotation mentaliste le fasse prendre en mauvaise part, il fait grand usage du concept d’attention. Nous savons par ailleurs qu’il utilisait comme manuel de cours l’ouvrage de Broadbent (1958), un psychologue britannique, dont la théorie du filtre attentionnel servit de point de départ aux recherches modernes sur la sélection attentionnelle. Ce qui légitimait la théorie du filtre attentionnel était peut-être le fait que le filtre était conçu comme l’orientation sélective du sujet vers une source d’information perceptive, et en fonction, pour l’animal, de besoins (drives); cette notion devait être assimilable dans une culture scientifique qui gardait en mémoire celle de réaction d’orientation, issue de la psychologie du réflexe.

  6. La réactivation de la faculté d’imagination semble être un cas plus complexe. Holt (1964) note que cette réactivation provient de plusieurs sources: les images interférentes étudiées par la psychologie appliquée chez des sujets en situation professionnelle ; les hallucinations provoquées par des drogues ; les observations de Penfield sur les effets de la stimulation électrique de cerveau (en préparation à l’exérèse d’une zone épileptogène, Penfield et Roberts 1963) ; enfin, la nouvelle psychologie de la pensée, par quoi Holt entend visiblement la psychologie cognitive.  

  7. En psychologie, des expériences cruciales ont frappé les esprits parce qu’elles indiquaient un isomorphisme entre l’image mentale et le stimulus. Ainsi les expériences de Shepard et Metzler (1971) mettaient-elles en évidence une relation linéaire entre l’angle de rotation de deux solides à comparer et le temps mis à effectuer cette rotation mentale. De nombreuses autres expériences suivirent et confirmèrent ce genre de relation, compte non tenu, toutefois, de facteurs additionnels, comme la familiarité des stimuli.

  8. L’interprétation des résultats opposa les propositionnalistes et les « imagistes64 ». Pour les propositionnalistes, l’image était une simulation fonctionnelle de relations spatiales sous forme « propositionnelle » (c’est-à-dire de la nature d’un code, matrice etc. traitable par un ordinateur), et ses propriétés d’isomorphisme ne provenaient pas du fait qu’elle était constituée d’un format particulier de représentation ; pour les imagistes, l’image tenait ces propriétés de son format.

  9. Ces débats montrent une résistance à accepter que des propriétés phénoménales jouent un rôle dans le traitement de tâches qui ont pourtant un contenu spatial. On peut y voir un effet du fonctionnalisme computationnel, mais peut-être aussi un prolongement du behaviorisme. Quoi qu’il en soit, les idées ont tendu à évoluer vers la reconnaissance d’un statut quasi-perceptif de l’image. Enfn, nous noterons que l’image mentale a apporté sa contribution à la sémantique psychologique. Je veux parler ici des travaux portant sur les marqueurs spatiaux et le rôle de la manipulabilité mentale des scènes qu’ils décrivent65 ; mais aussi des travaux sur l’imagerie spatiale censée sous-tendre la représentation de signifiés sémantiquement distants66, ou la compréhension de phrases comme Tom est plus grand que Sam et Jean est plus petit que Sam67. Antérieurement, remarquons-le, un behavioriste médiationniste comme Osgood (1952) parlait déjà d’imagerie à propos de corrélations établies par ses sujets entre des dimensions de son différentiel (par ex. entre loud et large, ou treble et up), un phénomène dont l’investigation lui avait été suggéré par celui de la synesthésie. Ces idées réapparaîtront en linguistique cognitive.

  10. Du point de vue historiographique, Leahey (1981) note que la réactivation des facultés a souvent été présentée comme le retour à l’objet de la psychologie introspectionniste du tournant des 19ème et 20ème siècles, les états mentaux conscients. Cette psychologie, exemplifiée, pour les Américains par Titchener, abusivement rapproché de Wundt (dont il fut l’élève) aurait suscité la réaction behavioriste, puis le behaviorisme la réaction cognitive. Ainsi se serait constituée une sorte d’alternance : introspectionnisme – behaviorisme – psychologie cognitive68). En réalité, l’introspectionnisme de Titchener ressortit à une psychologie descriptive d’origine empiriste, une analyse des sensations qui voit d’un œil critique, par exemple, la faculté d’attention, et les processus cachés, alors que la psychologie cognitive est un ensemble d’approches expérimentales qui ont réintroduit facultés, processus inconscients, et schématismes implicites. En exagérant à peine, il serait plus correct d’affirmer que la psychologie cognitive aborde avec une méthodologie expérimentale behavioriste des processus et des structures non-expérientiels (comme le behaviorisme), même si certains admettent sans rechigner des représentations conscientes. Leahey (1994) n’a donc pas tort de classer cette psychologie dans la super-catégorie des approches « behavioralistes » (incluant le behaviorisme), qui traitent des états non-conscients par une méthode fondée sur l’observation des réponses des sujets.

La grammaire générative et la question de la réalité psychologique

  1. Il est temps désormais d’en venir à la théorie qui, selon certains, propulsa la révolution cognitive en linguistique, je veux parler de la grammaire générative. Lightfoot se fait l’expression de cette doxa quand il affirme que « Noam Chomsky’s Syntactic Structures was the snowball which began the avalanche of the modern “cognitive revolution.” The cognitive perspective originated in the seventeenth century and now construes modern linguistics as part of psychology and human biology69 ». Il est certain que Chomsky a joué un rôle considérable, mais la « révolution » n’est pas une Minerve sortie de sa tête. En outre, Syntactic Structures ne dévoile pas les thèses cognitives qui accompagneront la grammaire générative. En ce qui concerne la grammaire générative, le terme de révolution a été contesté (Koerner 1983) ou revendiqué (Newmeyer 1986b). Il n’est pas déraisonnable de penser que son usage relève d’un dispositif rhétorique visant à se distancier des prédécesseurs immédiats. Cette attitude n’est pas sans exemple en linguistique, comme le montre Joseph (2002). Déprécier la tradition immédiate est presque une tradition moderniste.

  2. Il n’est pas question ici de décrire les conditions institutionnelles, historiques, culturelles qui ont favorisé l’expansion de la grammaire générative. Il est important de mentionner, néanmoins, qu’elle apparaît à un moment où un changement de génération s’effectue dans un contexte où le nombre d’étudiants explose et où l’université recrute massivement70. Ce facteur permet d’expliquer la relative innocuité de la rupture générativiste pour les linguistes qui cherchaient un poste.

  3. Dans sa version transformationnelle, la grammaire générative est une combinaison d’analyse en constituants, de règles de production (issues des travaux de Post sur la déduction) et de transformations, notion empruntée à Harris71. L’idée que le modèle est génératif, au sens où il doit générer des phrases non encore attestées, se trouve déjà chez Hockett, qui parle de valeur prédictive de la théorie, et chez Harris, où cette considération est enveloppée dans une discussion sur le corpus adéquat, et les manipulations qui lui sont applicables72. Par comparaison avec les préoccupations des bloomfieldiens, Chomsky se libère pour de bon d’un corpus, finit par défendre une position universaliste, s’intéresse peu aux classes distributionnelles, tente d’unifier les constructions en un seul système, et ne pose pas de corrélats sémantiques aux classes et aux constructions. Enfin, l’anglais concentre l’attention, car il est la langue où l’intuition du linguiste anglophone peut s’exercer. Ce recours à l’intuition a suffi à faire accuser Chomsky de pratiquer une forme de psychologie (sous-entendu ; mentaliste73).

  4. En dépit de l’affirmation de plus en plus nette, au fil des ans, d’une rupture, il faut bien reconnaître la grande proximité de certains travaux post-bloomfieldiens à la grammaire générative (cf. Uhlenbeck 1979, pour un avis en ce sens). L’étude de Bloch (1946) sur le japonais, par exemple, est une grammaire syntagmatique récursive. Mais Postal (1964), tout en reconnaissant sa valeur, la rejette, en particulier parce qu’elle ne fournit pas de procédure explicite pour traiter les constituants discontinus, et de manière générale, parce que la théorie a démontré l’insuffisance fondamentale des grammaires syntagmatiques (donc dépourvues de transformations).

  5. Pour notre propos, il s’agit de comprendre pourquoi la grammaire générative a été considérée comme une rupture mentaliste en phase avec la « révolution » cognitive. Mais voyons d’abord comment s’est effectuée la mise en place des thèses affirmant la réalité psychologique du modèle.

  6. Selon Chomsky lui-même, son réalisme date de sa thèse de 1956, mais ses déclarations ne doivent probablement pas être prises au pied de la lettre74. Dans son célèbre compte rendu de Syntactic Structures, Lees (1957) évoque précisément cette position réaliste et il est possible que ses lecteurs l’aient attribuée à Chomsky sur sa foi. Pourtant Syntactic Structures n’autorise pas vraiment cette extrapolation. Quoi qu’il en soit, le tournant paraît être le compte rendu consacré au Verbal Behavior de Skinner (1959), où Chomsky émet (assez timidement) une hypothèse innéiste sur l’acquisition du langage : « as far as language acquisition is concerned, it seems clear that reinforcement, casual observation, and natural inquisitiveness (coupled with a strong tendency to imitate) are important factors, as is the remarkable capacity of the child to generalize, hypothesize, and ʻprocess informationʼ in a variety of very special and apparently highly complex ways (…) which may be largely innate, or may develop through some sort of learning or through maturation of the nervous system75 ».

  7. L’argumentation en faveur de l’innéité de la faculté de langage s’élabore ensuite progressivement. L’idée d’une créativité infinie malgré l’exposition à des données linguistiques finies et erratiques, émerge dès la thèse de 1956. Cette idée n’implique pas en soi une conception innéiste, mais elle peut être récupérée par une argumentation anti-empiriste76. L’implication cognitive de la théorie passe aussi par la thèse que la tâche de l’enfant est similaire à celle du linguiste ; l’idée avait déjà été évoquée par Hockett (1948). Elle a peut-être été suggérée directement à Chomsky par le spécialiste de l’acquisition, Roger Brown77.

  8. Le compte rendu de Skinner fait ensuite valoir que l’acquisition du langage, due à une capacité modulaire, serait « accomplished in an astonishingly short time, to a large extent independently of intelligence, and in a comparable way by all children78 », observation qui peut laisser perplexe si on considère le temps passé par l’enfant à pratiquer sa ou ses langues. Puis, dans Aspects, Chomsky fait allusion au caractère dégénéré des primary linguistic data, c’est-à-dire non filtrées par la grammaire et complétées par tout ce qui aide à comprendre les énoncés79. On peut mieux comprendre l’allusion quand on se réfère aux réflexions contemporaines de Lenneberg, plus élaborées et empiriquement étayées. Lenneberg s’intéressait en particulier aux enfants sous-exposés au langage, par exemple des sourds congénitaux en milieu entendant80, et développait alors une approche qualifiée par lui de néo-kantienne sur les préconditions cognitives de l’apprentissage. C’est aussi à cette période que Chomsky se cherche un pedigree et se pose en combattant d’une gigantomachie historique entre rationalistes et empiristes ; les linéaments de sa mythologique linguistique cartésienne, qui mêle empiristes et rationalistes81, et néglige les aspects relativistes de Humboldt, apparaissent dès 1962.

  9. Dans Reflections on Language (1975), Chomsky propose lʼexemple archétype dʼune hypothèse innée sur les données linguistiques primaires, celle de la structure-dependence. Cette hypothèse permettrait aux enfants de rejeter spontanément, par exemple, l’hypothèse que former une interrogative pourrait s’effectuer en inversant le premier auxiliaire, et non l’auxiliaire de la principale, d’où l’absence de *Is the man who _ tall is in the room? dans le corpus enfantin. Des arguments négatifs viennent aussi souligner l’impuissance de procédures empiristes d’acquisition, comme l’analogie, notamment dans Knowledge of Language (1986). On voit comment procède le raisonnement : affirmer qu’une analyse ne peut être acquise revient à en affirmer l’universalité. Et affirmer l’universalité d’un principe équivaut à en garantir la réalité psychologique. L’argumentation purement linguistique court-circuite la validation expérimentale. Chomsky peut ainsi affirmer que la linguistique est une branche de la biologie, et défendre en fait l’autonomie de la linguistique82.

  10. Bref, le nativisme affirme explicitement la réalité psychologique, non-artefactuelle, du modèle; en outre, il nie que des processus périphériques (comme il est dit dans Aspects) de type behavioriste permettent d’acquérir une langue. Et cette dénégation conduit à affirmer la réalité psychologique d’inobservables, les principes fondamentaux de la grammaire, qui ne sont pas assimilables à des réactions internes. Cette rupture converge avec un ensemble de recherches qui déplacent le centre de gravité des recherches cognitives vers des thèses universalistes et innéistes. Nous nous sommes contentés d’allusions aux travaux des Breland et de Lenneberg, mais d’autres seraient à mentionner (p. ex. ceux de Hubel et Wiesel83 sur le cortex visuel).

  11. Depuis que l’hypothèse nativiste a été formulée, sa validité a été mise à l’épreuve dans divers champs de recherche : langues des signes, créoles, enfants au développement atypique, dissociations neuropathologiques entre cognition et langage, et plus récemment, génétique (Fortis, 2009). Le peu d’empressement, de la part de Chomsky, à discuter attentivement ces travaux semble indiquer que l’hypothèse nativiste lui servait surtout à démarquer le générativisme de l’environnement structuraliste et behavioriste. Cette obsession explique aussi pourquoi Chomsky lance ce genre d’affirmation : « Si l'on considère le langage par analogie avec un organe physique comme le cœur, les explications fonctionnelles ne nous mèneront alors pas très loin, et il faudra étudier la structure de l'organe qui remplit ces fonctions84 ». C’est à mon avis le behaviorisme qui est visé, ce que pourrait confirmer le passage suivant, où Chomsky lui oppose l’idée, exprimée en d’autres endroits, que la pensée est un soliloque désintéressé: « le langage humain est un système pour la libre expression de la pensée, essentiellement indépendant des stimulus, de la satisfaction des besoins ou de tout but pratique…85 ». Certains ont perçu dans ces positions un paradoxe, dès lors que la théorie était centrée sur la syntaxe et non sur la sémantique86.

Mentalisme et fonctionnalisme computationnel

  1. Pour supposer, comme Pinker (1994), que la théorie X’ est innée, il a fallu d’abord que s’acclimate l’idée de représentations complexes, de type propositionnel et algorithmique, dont la réalité cérébrale est postulée en attendant qu’on puisse leur assigner un substrat cortical. Une telle libéralité a été clairement légitimée par la distinction du hardware et du software, et l’identification des états mentaux au software, c’est-à-dire par le fonctionnalisme computationnel.

  2. Cette position a été philosophiquement établie par Putnam (1960) afin de dissoudre certains problèmes philosophiques. Comparons, explique Putnam, un état mental à l’état d’une table donnant les opérations d’une machine de Turing. Nous pouvons alors affirmer que l’état mental est l’occurrence d’un état de la table-machine, défini fonctionnellement par sa place dans le programme. Cet état, bien que caractérisé abstraitement, est implémenté ou implémentable, éventuellement dans différents systèmes matériels, ce qui dissout le dualisme, sans  réduire pour autant un état mental à un état physique occurrent spécifique. En outre l’affirmation par la machine qu’elle est dans tel état ne nécessite pas que la machine dispose de critères d’identifications de l’état et réfléchisse sur ses propres états, il sufit que la possession d’un état et l’affirmation ‘je suis dans l’état A’ soient fonctionnellement liées dans la table-machine. Bref, la machine est wittgensteinienne : elle se passe de l’intercession d’expériences intimes réflexives pour l’identification d’un état mental donné.

  3. Le fonctionnalisme computationnel permet de lever le verrou matériel : pour reprendre les catégories de Bloomfield, nous pouvons être mentalistes sans cesser d’être mécanistes.

  4. Il est difficile de se déprendre de l’impression que le fonctionnalisme computationnel a été interprété comme une licence de spéculer sur des grammaires internes sans avoir à se soucier de leur réalisation physique. Ainsi Katz écrit-il que

the linguist, though he claims that his theory describes a neurological mechanism, cannot immediately translate the theory into neurological terms, i.e. into talk about synapses, nerve fibers, and such. But — and this is the crucial point in showing that the mentalist is not a psychophysical dualist — this failure to have a ready neurological translation means only that he cannot yet specify what kind of physical realization of his theoretical description is inside the speaker’s head. (…) The critical distinction is, then, between an abstract, formal characterization of linguistic structure — the theory itself — and a physical system of some kind which instances this structure87.

  1. Cette invitation à hypostasier les construits théoriques a comme résultat que pour Katz, le point de vue bloomfieldien, qui traitait la dérivation knife > knives comme une fiction descriptive, n’est plus admissible88. Une dérivation est psychologiquement réelle ou elle n’est pas.

La grammaire transformationnelle et la psycho­linguistique

  1. Pour les psycholinguistes qui font de la grammaire transformationnelle leur cadre théorique, ce modèle est plus qu’un nouveau champ d’exercice pour la psycholinguistique. L’ouvrage de Fodor, Bever et Garrett (1974) explique clairement que l’enjeu est de rompre avec la configuration théorique antérieure, qui unissait selon eux la linguistique structurale et la psychologie behavioriste médiationniste.

  2. La linguistique structurale est qualifiée de taxonomique. C’est qu’elle envisage la langue comme une organisation hiérarchisée en niveaux : phonétique, phonémique, morphophonémique, morphémique, syntaxique. L’arrangement global est considéré comme statique : au phonème correspond un phone dans tel environnement, alors qu’il est parfois plus expédient de considérer des règles de dérivation. En syntaxe, les parties du discours et les classes syntagmatiques sont censées être abstraites par des processus behavioristes (de généralisation du stimulus et de la réponse) tandis que la structure syntagmatique serait obtenue par des probabilités de transition, donc des chaînes stimulus-réponse. Les contre-arguments reprennent, entre autres, les objections que Chomsky avait adressées aux processus du type des chaînes de Markov (p. ex. dans Chomsky 1957).

  3. Le dispositif argumentatif de Fodor et al. (1974) fait entrer de force la linguistique structurale dans un cadre behavioriste pour construire une rupture qui conforte la rhétorique de la révolution cognitive. Certaines questions ne sont d’ailleurs pas poursuivies jusqu’au bout : la notion de morphème est critiquée, mais acceptée. Plus radical, Chafe (1970) avait déjà éliminé la notion de morphème dans son modèle hiérarchisé de style génératif. On notera aussi que la nouvelle psycholinguistique n’a rien à substituer au complexe classe distributionnelle / processus psychologique de généralisation ; de fait, chez Chomsky, l’analyse des parties du discours est sommaire. Enfin, certaines questions, comme la difficulté de trouver deux syntagmes ayant la même distribution, avaient déjà été problématisées (voir les Methods de Harris 1951). Ironiquement, des transformationnalistes emploieront des critères distributionnels pour juger de l’identité de constructions en structure profonde89, sans se poser de questions cette fois.

  4. Venons-en maintenant aux tentatives de validation expérimentale. Les débuts ont suscité de grandes espérances : on pensait ainsi pouvoir démontrer que le temps de traitement d’une phrase pouvait être corrélé positivement à la complexité transformationnelle de cette phrase. Malheureusement, cette corrélation fut prise en défaut90. Chomsky, dont Miller nous dit qu’il ne s’opposait pas initialement à la possibilité d’une telle corrélation91, nia que la grammaire générative décrivît les processus de production et de compréhension. Alors qu’il avait caractérisé la notion de performance en termes behavioristes, comme un ensemble de comportements et de dispositions à agir92, et par conséquent l’étude de la performance comme une occupation peu sérieuse93, il ajoutait : « When we speak of a grammar as generating a sentence with a certain structural description, we mean simply that the grammar assigns this structural description to the sentence. When we say that a sentence has a certain derivation with respect to a particular generative grammar, we say nothing about how the speaker or hearer might proceed, in some practical or efficient way, to construct such a derivation. These questions belong to the theory of language use - the theory of performance94 ». En d’autres termes, le linguiste peut continuer à décrire des structures mentales sans se préoccuper de ce prolongement futile du behaviorisme, la théorie de la performance.

  5. Mais les psycholinguistes furent plus « sérieux » qu’attendu, car ils s’attaquèrent aux structures postulées par la grammaire : la structure syntagmatique95, ou certains aspects des structures profondes96. Les résultats portant sur la structure syntagmatique et les structures profondes parurent à Fodor et al. plus robustes que ceux qui partaient d’hypothèses sur les transformations, hypothèses qui, par ailleurs, étaient parfois en voie de révision97.

  6. Ces révisions apportées au modèle théorique, sa quête de principes abstraits et universels, plutôt que d’une grammaire donnant le schéma directeur des processus de production et de compréhension, sont autant d’évolutions qui finirent par lasser les psychologues. Dans le passage qui suit, Greene exprime une frustration dont on pourrait trouver d’autres échos98 :

Chomsky has continued his work in linguistics by attempting to reduce the number of transformational rules to a few very general principles which constrain the structures of all languages. One consequence of the search for abstract universal principles is that linguistic research has tended to move further and further from the details of how humans extract meanings from utterances in a particular language. After reading the later versions of Chomsky’s theory, one would be no nearer to knowing how to specify the actual rules for any particular language, even the English in which his books are written. This is the main reason why, after the honeymoon period of psycholinguistics in the 1960s and 1970s, psychologists and linguists have tended to go their own ways.

  1. La linguistique a ainsi protégé son autonomie, l’argument ultime étant celui défendu dans Rules and Representations : une bonne théorie linguistique a ipso facto une implication psychologique, et n’a pas besoin d’être confirmée par un autre ordre de faits99.

Grammaire transformationnelle et sémantique

  1. L’ouverture complète de la linguistique américaine aux considérations sémantiques et à une psychologie endogène accompagne l’émergence de la linguistique cognitive. Cette ouverture ne peut se comprendre sans revenir au rapport de la grammaire transformationnelle au sémantique, et aux dissensions internes que différentes interprétations de ce rapport ont provoquées.

  2. Proche de Harris sur ce point, Chomsky (1957) affirme dans Syntactic Structures que « grammar is best formulated as a self-contained study independent of semantics ». Mais par ailleurs, Chomsky formule deux exigences : que la grammaire assigne des analyses différentes aux homonymies constructionnelles du type the shooting of the hunters (où hunters est soit sujet, soit objet de shoot), et que des transformations prennent en charge des séquences aux restrictions de sélection identiques ou très comparables. Or, comme Harris l’avait suggéré, des séquences liées par une transformation semblent laisser inchangé le contenu informationnel100. Bref, la représentation grammaticale prend en charge l’ambiguïté et la synonymie.

  3. Chez Katz et Postal (1964), cette définition distributionnelle de la synonymie sert à justifier que des énoncés comme John’s flying of the plane et the way in which John flies the plane doivent provenir d’une même structure sous-jacente ; en effet, expliquent-ils, les deux énoncés peuvent être cooccurents avec erratic et foolish, c’est-à-dire avec des adjectifs de manière101. Poursuivant l’intuition de Harris, ils postulent en outre que les transformations intervenant sur ces structures sous-jacentes n’en altèrent pas le sens (« principe de Katz-Postal »). Comme dériver une interrogative d’une structure déclarative profonde en change manifestement le sens, ils proposent de compléter la déclarative sous-jacente de marqueurs abstraits. La question (1) dérive ainsi de (2), glosée dans les termes de Katz et Postal en (3).

(1) Will you go home?

(2) Q wh yes/no you will go home? (Q est la question et wh indique sa portée)

(3) I request that you answer whether yes or no you will go home.

  1. Les structures sous-jacentes sont également le niveau où sont définies les relations grammaticales et à partir duquel est projetée l’interprétation sémantique.

  2. C’est essentiellement ce modèle que Chomsky adopte dans Aspects, sous l’influence de Postal (comme le confirme Jackendoff102.

  3. A cette entrée du loup sémantique dans la bergerie distributionnelle et syntaxique s’ajoute le fait que Chomsky intègre au composant syntaxique des marqueurs sémantiques (comme (+/- animé, +/- humain etc.) qui, chez Katz et Fodor (1963) opéraient dans leur module sémantique.

  4. Les jeunes linguistes qui, avertis du (relatif) contingentement de la sémantique chez les structuralistes, boivent le lait de la grammaire transformationnelle, peuvent légitimement avoir l’impression que le modèle d’Aspects réévalue enfin le rôle de la sémantique au sein de la linguistique. C’est ce dont témoigne McCawley :

Aspects brought semantics out of the closet. Here was finally a theory of grammar that not only incorporated semantics (albeit very programmatically) but indeed claimed that semantics was systematically related to syntax and the construction of syntactic analyses a matter of much more than just accounting for the distribution of morphemes103.

La sémantique générative

  1. Dès 1963, un transformationnaliste proche de Postal, Lakoff, pousse à la limite l’idée que des énoncés qui sont des paraphrases l’un de l’autre doivent avoir la même structure sous-jacente (Lakoff 1976 [1963]). Le principe est appliqué par exemple à I fear John et John scares me, pour lesquels il faudrait postuler une même origine profonde. Inversement, lorsque des constructions apparemment identiques, comme hit a ball et hit a smash réagissent différemment à des tests distributionnels, il faut en chercher la raison dans la sémantique des verbes. En résumé, Lakoff pense que le niveau sous-jacent est intégralement sémantique ; il l’appelle la pensée (thought). La grammaire fournit une mécanique pour sémiotiser la pensée et les structures sous-jacentes (ou « profondes »).

  2. Cette vision alternative rallie un groupe théorique dont les ténors sont Lakoff, McCawley et Ross. Langacker, après avoir travaillé dans le cadre de la Katz et Postal, convertit ses structures profondes syntaxiques en structures sémantiques et adopte officiellement la sémantique générative en 1969.

  3. Initialement, la sémantique générative ne fut pas perçue par tous comme une dissidence divergeant de la voie où menait naturellement la théorie d’Aspects (R. Lakoff 1989). Cependant, Chomsky lui opposa une fin de non-recevoir. S’ensuivit alors une période de dissensions parfois âpres, entre les partisans de cette approche sémanto-centrée, la sémantique générative, et les fidèles du modèle initial. La querelle de famille et ses petitesses trop humaines ont été narrées par Harris (1993).

  4. Je ne peux entrer ici dans le détail des analyses104. Il importe de dire, cependant, que la sémantique générative contribua à ouvrir la grammaire transformationnelle à la pragmatique et à la logique, et fonctionna comme une machine à fournir des données sur des sujets comme la coréférence, les quantificateurs, les contextes opaques, la portée des adverbes, les constructions alternantes, les causatifs ou encore la décomposition sémantique des lexèmes.

  5. L’incorporation de variables et de la logique des prédicats présente un contraste intéressant avec la linguistique cognitive. Comme le dit Lakoff, à cette époque, « semantics meant logic — there was no other technically viable approach to semantics105 ». Au-delà de ce préjugé général, qui atteste d’une acculturation et d’une coupure d’avec l’Europe, des questions plus techniques motivaient ce rapprochement entre logique et grammaire. D’une part, certains problèmes requéraient l’introduction de variables ; ainsi les phrases de Bach-Peters : a boy who saw her kissed a girl who knew him, glosées en x1 saw x2, x1 = a boy who saw x2, x2 = a girl who knew x1106. En outre, certains se saisissaient de questions héritées de la logique, comme la portée des quantificateurs. Lakoff, par exemple, tentait de représenter la portée des quantificateurs au moyen d’arbres de dérivation, procurant ainsi un formalisme syntaxique à un phénomène logique107. Enfin, apparemment sous l’influence de Postal, les sémanticiens générativistes s’étaient engagés dans une réduction des parties du discours « profondes ». Dans sa thèse, par exemple, Lakoff suggérait de fondre les adjectifs et les verbes dans une super-catégorie108. Aboutissant à N, V et P (proposition), cette réduction des parties du discours suggérait de les assimiler à la trilogie argument / prédicat / proposition. Malgré l’importation de problèmes et d’outils d’origine logique, la sémantique générative n’était pas de nature logique, au sens où son objet n’était pas de fonder une théorie vériconditionnelle des énoncés. Elle n’avait pas de parenté, par exemple, avec la grammaire de Montague. Le fait essentiel est qu’était assignée à la linguistique la tâche d’émettre des hypothèses sur la représentation mentale des contenus des énoncés.

  6. Néanmoins, la sémantique générative maintenait un objectif de la grammaire transformationnelle : décrire la distribution des formes de surface. A cet égard, un leitmotiv de la sémantique générative est que les règles expliquant la distribution d’une forme ne sont pas déclenchées par des conditions exclusivement formelles mais font intervenir des considérations sémantiques ou pragmatiques. Comme le montrait R. Lakoff, ce n’est pas la présence d’un marqueur interrogatif ou négatif qui, en anglais conditionne l’emploi de any, mais la présupposition, par le locuteur que l’état de choses visé n’a pas lieu (cf. Who wants some beans ? vs Who wants any beans ?). Cette perspective entraînait, expliquait Lakoff, que « the rules of grammar, which generate the grammatical sentences of English, filtering out the ungrammatical sentences, are not distinct from the rules relating surface forms of English sentences to their corresponding logical form [= leur représentation sémantique]109 ». De même, Hooper et Thompson (1973) rendaient compte d’une classe de transformation connues alors sous le nom de root-transformations (pour simplifier, affectant des propositions indépendantes) par une motivation pragmatique, la mise en focus de constituants.

  7. Déployant leur activité tous azimuts, les sémanticiens générativistes mettaient en évidence des questions que la future linguistique cognitive allait reprendre à nouveaux frais. Ce sont par exemple des problèmes liés à l’interprétation des expressions référentielles et à l’opacité référentielle, d’origine philosophique, qui sont à l’origine de la théorie des espaces mentaux de Fauconnier. L’importation de la théorie psychologique du prototype par Lakoff s’opéra d’abord au sein d’une approche hybride, typique de la sémantique générative, qui mariait la théorie des ensembles flous (une perspective mathématisée) aux subtilités sémantiques de Bolinger (1972) sur les « termes de degré » (very, sort of, regular, true etc.) ; à la même époque, Lakoff collaborait avec Ross110 sur une grammaire dite floue, où les catégories syntaxiques (p. ex. ‘syntagme nominal’) elles-mêmes étaient des continua ; ce modèle anticipait sur l’extension de la notion de typicalité aux catégories linguistiques, extension caractéristique de la linguistique cognitive. En tentant de formuler des contraintes sémantiques sur des alternances de construction, comme l’alternance dative (give X Y / give Y to X), Green (1974) préparait la grammaire de construction de Goldberg (1995), une perspective proche de la grammaire cognitive de Langacker. Langacker lui-même faisait évoluer sa théorie de la sémantique générative vers une grammaire de dépendance comprenant des primitives sémantiques universelles (comme HAVE, BE et DO) ; progressivement cette grammaire évoluerait vers une théorie où la composition morphosyntaxique marcherait en tandem avec la composition sémantique. Sa conception de la grammaire comme inventaire de signes (simples ou composés) bifaces, à la fois formels et sémantiques, sera le stade final d’une longue dérive qui s’enracine dans la sémantique générative111.

  8. Rétrospectivement, le concept de structure profonde semble avoir été le moyen détourné que s’est choisi la linguistique américaine pour réintroduire la sémantique dans un cadre initialement distributionnaliste, anti-mentaliste et relativement rétif à la sémantique. La sémantique générative apparaît ainsi comme un maillon entre le structuralisme américain et l’invasion massive d’une linguistique conceptualiste, la linguistique cognitive.

Universalisme et cognitivisme

  1. Les sémanticiens générativistes qui travaillaient sur des langues amérindiennes, comme Chafe, Langacker et Talmy, ont en commun une conception universaliste de la pensée. La sémiotisation est pour eux la particularisation de structures conceptuelles, voire de structures déjà linguistiques qui sont universelles. Nous pouvons voir là le double effet de l’universalisme chomskyen et de la quête de structures profondes à contenu conceptuel.

  2. A propos de l’onondaga (une langue iroquoienne), Chafe n’hésite pas à affirmer que « the semantic structure of Onondaga differs from that of English in relatively trivial ways, and that the striking differences between the two languages arise largely as the result of postsemantic processes, which lead to markedly different surface structures112 ». Chez Chafe, qui appartenait la génération formée avant le générativisme, cette indépendance du sémantique à l’égard du morphosyntaxique était passée par une contestation de la notion de morphème. De plus, son analyse des traits sémantiques à l’origine de la sémiotisation contenait encore des éléments bloomfieldiens ; c’étaient en quelque sorte des taxèmes pris avant leur réalisation formelle. Notons qu’avec Lamb, et avant l’hégémonie du générativisime, il avait défendu l’existence d’un niveau sémantique de description, spontanément considéré comme psychologiquement réel, dans un cadre structuraliste (Chafe, 1965). Chafe illustre donc le fait que la linguistique était mûre pour son virage conceptualiste avant l’annonciation chomskyenne, n’en déplaise à Lightfoot.

  3. Chez Talmy (1972), le propos général rappelait Chafe : la comparaison des modes de sémiotisation de deux langues, l’atsugewi (une langue polysynthétique de Californie) et l’anglais. Sa structure fondamentale universelle était une construction associant des rôles actanciels, une notion très générale de procès et de relation spatiale, et des catégories syntaxiques ; il s’agissait donc d’une structure déjà linguistique, ou plutôt cognitivo-linguistique. Les rôles actanciels étaient définis par la dualité gestaltiste figure / fond ; quant à la relation spatiale entre figure et fond, sa présence se justifiait pour deux raisons : Talmy se proposait d’étudier plus spécialement la sémiotisation des déplacements, mais il pensait aussi que les relations spatiales jouaient un rôle fondamental dans la lexicalisation des relations. Il s’agissait donc d’une nouvelle forme de localisme linguistique113, peut-être inspirée, pour la primauté des rôles de figure et fond, de Whorf114, et pour leur interprétation actancielle, de Gruber (1965). Il faut remarquer qu’à l’époque où ils se désaffilient du mouvement transformationnaliste dominant, plusieurs sémanticiens générativistes semblent (re)lire Whorf. Whorf les incite à penser les structures linguistiques comme des modes de conceptualisation d’une expérience perceptive anté-prédicative115.

  4. Dans la thèse de Talmy, la dérivation des formes de surface était encore assurée par des processus génératifs, dont un, la conflation, était identique à l’opération de fusion des prédicats postulée en sémantique générative116. Par la suite, Talmy abandonnera les arbres génératifs, mais maintiendra l’idée générale d’une structure fondamentale cognitivo-linguistique. Il orientera en particulier la discussion vers les modes de conceptualisation sous-tendant les modes de sémiotisation des relations spatiales et des événements117, non sans poursuivre aussi ce dernier sujet118.

  5. De manière similaire, Langacker est conduit à postuler des structures sémantiques très éloignées des formes de surface à partir d’un travail typologique sur le passif, où sont comparées les formations passives de l’anglais et de langues uto-aztèques119. L’hypothèse qu’il émet, plutôt audacieuse vu la diversité typologique, est que toutes ces formes de surface peuvent être rapportées à une même structure profonde. Bien plus, cette structure mènera ensuite à un modèle où toutes les structures de surface sont dérivées d’un même squelette sémantico-pragmatique. Ici encore, l’universalisme syntaxique chomskyen est transmué en universalisme syntaxico-sémantique. Cette transmutation est une étape intermédiaire vers une approche plus cognitive, où les diathèses sont des manières de conceptualiser des événements modelées sur des cas prototypiques120.

Schisme

  1. Pour des raisons institutionnelles, théoriques et sociales, ayant à voir avec le mode de fonctionnement du groupe générativiste, l’opposition frontale entre les Chomskyens et les sémanticiens générativistes déboucha sur une désaffiliation de ces derniers. Chez Lakoff, cette rupture ne se traduisit pas initialement par un changement complet de perspective. En invoquant la création d’un énième modèle théorique, qu’il baptisa experiential linguistics, il énumérait en réalité une liste de cas disparates, qu’on trouvait dans la littérature, et qu’il regroupait sous le chef de gestalt linguistique121. Ces cas, affirmait-il, montraient que la compréhension ou la formation de certaines structures reposait sur l’expérience du monde. L’expérience du monde était ce qui s’ajoutait aux règles de composition morphosyntaxique pour en motiver la compréhension et de production, organisant ainsi en un tout ce qui était encore sous-déterminé par ces règles, d’où la notion de gestalt, réduite à l’idée que le tout est plus que la somme des parties. La différence d’acceptabilité entre (4) et (5), par exemple, était expliquée par le principe général qu’accède à la fonction sujet l’actant le plus causalement responsable de l’état de choses ; or, en (5), cet actant est l’agent implicite.

(4) Bean curd digests easily.

(5) * Bean curd eats easily.

  1. Identifier la responsabilité causale des actants étant du ressort de notre expérience du monde, il fallait en déduire que la linguistique ne pouvait se passer de cette connaissance.

  2. Le changement de cap réel se produit quand Lakoff quitte le domaine de l’analyse morphosyntaxique pour se tourner vers deux questions qu’il voit comme interdisciplinaires : la catégorisation et les métaphores.

  3. Nous avons vu qu’il avait le premier importé la théorie du prototype en linguistique, mais l’avait abordée avec un point de vue encore en partie formaliste (ou mathématisable). Pourtant, selon son propre témoignage, c’est la théorie du prototype qui le  conduisit ensuite à une perspective anti-formaliste122. Progressivement, cette nouvelle perspective est articulée en un ensemble de thèses qui la font apparaître comme un changement de paradigme: abolissant l’idée, issue de la tradition « aristotélicienne », que les concepts sont définis par des conditions nécessaires et suffisantes qui définissent la vérité de son application, la théorie du prototype (et ses quelques précurseurs) irait à l’encontre d’une interprétation réaliste des objets et des propriétés. Il semble ainsi que Lakoff associe à un point de vue logiciste deux thèses: 1) l’assignation vériconditionnelle d’une signification à une expression; 2) la position réaliste accompagnant éventuellement cette assignation (objectivism). Ces deux thèses garantiraient, en quelque sorte, l’existence d’une vérité objective, non-relative à un schème conceptuel. Une partie importante de son best seller Women, Fire and Dangerous Things (1987) est ainsi consacrée aux implications philosophiques de la notion de catégorie à degré de typicalité.

  4. La critique de Lakoff semble malvenue à plus d’un titre: le changement de paradigme affirmé a des antécédents historiques profonds et, ironiquement, une des acceptions de la notion de signification analogique, issue d’Aristote, en est un. Lakoff en était probablement conscient mais il a passé sous silence cette filière, sans doute pour mieux en faire valoir la nouveauté123. Ensuite, les thèses associées par Lakoff à la perspective qualifiée ici de logiciste avaient déjà été déliées par Davidson (à la suite de Quine). En témoigne le bref passage suivant, qui conclut une discussion sur l’opposition entre schème conceptuel et réalité :

In giving up dependence on the concept of an uninterpreted reality, something outside all schemes and science, we do not relinquish the notion of objective truth - quite the contrary. (…) Of course truth of sentences remains relative to language, but that is as objective as can be124.

  1. Ce qu’entend dire Davidson, c’est que poser une réalité extérieure à un schème conceptuel nous fait tomber dans le paradoxe du relativisme : comment juger de la vérité d’un schème sans avoir un point de vue extérieur à tout schème? Pour Davidson, l’interprétation des énoncés d’un langage différent du nôtre suppose que nous prenions des décisions sur les conditions de vérité de ces énoncés et que ces conditions soient formulées dans notre langage. Mais revenons à la notion de prototype.

  2. En linguistique, cette notion a servi dans de multiples domaines, surtout en sémantique, et surtout pour traiter la polysémie. Mais il importe de noter qu’au cours du passage de la psychologie à la linguistique, la théorie initiale a été altérée et simplifiée125. Rosch, par exemple, avait inclus dans sa définition des effets de typicalité une dimension contrastive mesurée par un indice dit de validité d’indice. Cette dimension contrastive fut éliminée des études de sémantique cognitive. Ensuite, la notion de catégorie à degrés de typicalité avait de multiples facettes, et toutes ces facettes n’étaient pas nécessairement applicables à toutes les catégories126; de fait, son rapport à l’aspect qu’on aurait jugé essentiel, la notion même de typicalité psychologique, est devenu ténu, d’autant que fort peu d’études expérimentales ont tenté de corroborer les analyses proposées en linguistique.

  3. A posteriori, on constate que la théorie du prototype a servi à réactiver des domaines ou approches qui, chez les linguistes américains, étaient dormantes ou refoulées par le générativisme, La sémantique lexicale est peut-être le meilleur exemple : elle fut massivement réintroduite parce que la notion de prototype permettait de traiter la polysémie. Cette sémantique est le plus souvent sémasiologique, donc tient peu compte des systèmes et des relations contrastives entre éléments du système; elle est conceptualiste, et se situe donc dans la tradition de la triade vox-conceptus-res127, à ceci près que la res est relative à un schème conceptuel et semble correspondre à ce que Lakoff appelle l’expérience et Langacker des situations objectives. Une telle sémantique s’expose aux difficultés d’une sémantique conceptualiste, malaisée à appliquer pour des usages non représentationnels du langage128. Elle affirme en outre la réalité psychologique de ses construits tout en s’abstrayant des contextes individuels et des situations d’échange (Riemer ibid.).

  4. En dehors de la sémantique, la notion de prototype pénétra d’autres champs: la phonologie (pour commencer, Jaeger 1980), et les phénomènes traditionnellement appréhendés par la notion d’analogie129. Chez Bybee, la formation de structures morphologiques et syntaxiques par approximation à des schémas prit place dans une théorie cognitive de la constitution des paradigmes morphologiques et des patrons constructionnels130. Sans pouvoir développer ce point ici, je dirais que schéma et prototype ont servi à réinstaller une configuration théorique qui reproduit d’assez près celle des néogrammairiens, et en particulier, la théorie psychologisante et mentaliste de Hermann Paul.

  5. En bref, le prototype se révéla un outil commode pour réactiver des théories cognitives de la sémantique lexicale et de la formation analogique.

Les métaphores conceptuelles

  1. Ecrit en collaboration avec Johnson, Metaphors We Live By est peut-être l’ouvrage le plus fameux de Lakoff131. Certains ont attribué à ce texte le renouveau des études sur cette figure et sa cadette, la métonymie. Il s’agit d’une illusion rétrospective, car les années 1970 virent l’explosion de travaux sur la métaphore : elle fut le thème exclusif ou important d’au moins sept conférences importantes aux Etats-Unis, et le sujet de très nombreuses publications (Noppen 1985 inventorie environ 4900 publications entre 1970 and 1985). En psychologie, Honeck attribue ce succès au fait que la grammaire transformationnelle ne faisait plus recette et à la convergence d’intérêts multiples, par exemple de recherches sur la créativité et les proverbes132.

  2. Selon Lakoff et Johnson, la métaphore est un procédé cognitif permettant de concevoir et structurer un domaine cible au moyen d’un domaine source. Cette structuration est particulièrement claire dans les cas où le domaine cible est peu structuré; sa structure lui est alors en grande partie ou même totalement conférée par la source. Tel est le cas, par exemple, de la structuration du temps (la cible) en relations exprimées au moyen de marqueurs spatiaux (les semaines qui sont devant nous, la fin de la semaine approche etc.133. La perspective adoptée est typiquement empiriste: « We typically conceptualize the nonphysical in terms of the physical », affirment les auteurs134. Nous voici de retour chez Locke, qui affirmait : « Names which stand for things that fall not under our Senses, <are found> to have had their first rise from sensible Ideas…135 ». Lakoff et Johnson argueraient sans doute que Locke parlait de noms et non de concepts, mais ce serait négliger l’importance cognitive des signes aux yeux de Locke.

  3. Metaphors We Live By ne dévoile guère son horizon de rétrospection, et Lakoff, dans des entretiens, insiste sur la « découverte » de la métaphore conceptuelle. Il faut lire Johnson136 pour comprendre que l’ouvrage s’appuie sur une tradition philosophique, et sur une vision simplificatrice de l’histoire de la métaphore conceptuelle, dont les origines seraient essentiellement modernes. Sans même parler des modernes137, la métaphore conceptuelle traverse l’époque empiriste et peut même être considérée comme un bien commun qui passe de main empiriste en main rationaliste ou éclectique. Ainsi voyons-nous Leibniz relever le défi de Locke sur le contenu conceptuel des particules et entreprendre d’expliquer la sémantique des cas et des prépositions par une métaphorisation des relations spatiales138, de même que Harris, un néoplatonicien éclectique139. Se déploie alors un ensemble de recherches formant l’approche de l’étymologie philosophique, que Formigari décrit comme « the investigation of the motivation (or ‘causes’) of primitive roots (…) in fact the search for original metaphors which had changed the sensory intuition of things or actions into names140 ». Le caractère a priori, faiblement articulée à la linguistique historique ou à la typologie, des réflexions de Lakoff et Johnson les rapproche de cette tradition.

Le thème de l’embodiment

  1. À ma connaissance, l’explosion récente des travaux mettant en valeur la notion d’embodiment (corporéité) des concepts tire son origine d’idées formulées en guise de complément à la théorie des métaphores conceptuelles. A une époque postérieure à la fin du behaviorisme et aux Etats-Unis, la première discussion approfondie de l’origine corporelle de notre expérience du monde et de la signification semble être l’ouvrage de Johnson, The Body in the Mind (1987). On peut en résumer la teneur comme suit : notre expérience est fondée sur des schèmes sensorimoteurs récurrents qui sont intrinsèquement signifiants dans la mesure où ils régissent nos interactions avec le monde. Le développement ontogénétique consiste en la différenciation des dimensions corrélées dans ces schèmes, et l’abstraction de schèmes plus inclusifs. Un exemple de différenciation est la dissociation entre le schéma du déplacement télique et l’aboutissement de l’intention; c’est cette corrélation qui justifie le double sens (concret et abstrait) de l’expression atteindre un but. Quant au processus d’abstraction, il est illustré en particulier par l’exemple de l’équilibre : le soi corporel fait l’expérience de multiples formes d’équilibre, dans différentes modalités (équilibre des poids, des sensations gustatives, équilibre homéostatique en général, pression uniforme etc.); de ces formes est abstrait un schème commun qui motive des métaphores comme pencher pour (= déséquilibre favorisant un point de vue), ou des concepts abstraits comme l’égalité de quantités.

  2. Le texte de Johnson fait écho à des thématiques plus ou moins anciennes : les schèmes sensorimoteurs à l’origine des concepts abstraits ne peuvent manquer d’évoquer Piaget, sauf que fait défaut une approche expérimentale et une vision rationaliste de l’orientation du développement qui, chez Piaget, progresse par stades en coordonnant des opérations sensorimotrices converses141. Mais on trouve aussi des échos de notions qui ont précédé celle de corrélation expérientielle (le terme est de Johnson) : la synesthésie, et l’empathie; cette dernière notion, populaire en esthétique, étant entendue comme la projection d’affects dans un objet externe; ainsi un tableau peut-il nous sembler équilibré, parce que nous projetons dans l’image le sentiment de forces en tension. La théorie laisse indécise la question de savoir si cette perception des relations spatiales est originairement dynamique, ou s’il s’agit, dans les termes de Johnson, d’une métaphore142.

  3. Formulée sans soutien expérimental, cette version moderne de l’Origine des Connaissances Humaines a attiré les critiques de chercheurs soucieux de vérifier si elle était compatible avec ce que nous savons du développement de l’enfant143. A titre d’exemple, Winner a mis en doute le lien entre corrélation expérientielle et métaphore : si les corrélations expérientielles motivaient les métaphores, les enfants devraient comprendre les métaphores fondées sur elles, mais les faits ne corroborent pas cette implication144.

  4. Mais, de même que l’innéisme chomskyen, sans réel soutien empirique tel que formulé par Chomsky, a servi de matrice à des travaux expérimentaux et à des études de terrain, la thèse de l’embodiment a suscité un renouveau et une expansion des travaux sur l’investissement corporel des « concepts ». Il faut dire « renouveau », car nous avons fait allusion, lors de notre discussion du behaviorisme, aux psychologues qui instrumentaient leurs sujets pour détecter les corrélats physiologiques et moteurs des processus cognitifs. On trouverait des corrélats modernes de cette méthode, mais cette fois avec des techniques mesurant l’activité de processus centraux (cérébraux).

  5. Se développe ainsi un courant de recherche qui tente de démontrer le contenu sensoriel des signifiés linguistiques par la voie expérimentale. Plusieurs protocoles existent : l’observation des aires cérébrales activées, par exemple, par des mots à contenu moteur comme cueillir145. Citons aussi les techniques d’interférence. Celles-ci peuvent consister à mesurer l’effet de la compréhension d’une phrase évoquant une action sur la réponse motrice attendue. Glenberg et Kaschak (2002) demandaient par exemple à leurs sujets d’évaluer le caractère sensé d’une phrase en répondant oui ou non. Les réponses étaient plus rapides lorsqu’elles étaient dans la direction des actions évoquées, par exemple lorsque la touche ‘oui’ était plus proche que la touche ‘non’ et les phrases évoquaient une action centripète (‘ouvrir le tiroir’).

  6. Barsalou (2008) englobe ce courant dans un ensemble plus vaste, celui des partisans de la simulation modale. Dans cette perspective, les représentations mentales associées à des situations perceptives ou simplement évoquées sont des simulations de ces situations, simulations qui exploitent des images en provenance des modalités sensorielles. Appartiennent à ce groupe les études qui, depuis les années 1970, mettent en exergue la nécessité, pour la compréhension de textes, de construire des modèles des situations décrites146. Mais en relèvent aussi les études mettant en évidence l’influence de représentations modales implicites sur la perception; ainsi, en va-t-il des expériences où le percept subit une distorsion sous l’effet d’images implicites147. Du point de vue conceptuel, de telles expériences ressuscitent des idées associationnistes plus anciennes. La psychologie herbartienne pourrait encore leur servir de cadre théorique sans de grands aménagements. Une interférence entre une représentation mémorisée et un percept, n’est-ce pas ce que Steinthal appelait transfert (Übertragung148)? Enfin, la notion de simulation ajoute à ce vaste ensemble les expériences qui prennent le relais de ce que le 19ème siècle traitait par le concept, déjà implicitement présent chez Johnson, d’empathie (p. ex. Proffitt 2006).

  7. Témoignage d’un relatif cloisonnement des disciplines, la masse des travaux de neuropsychologie sur les déficits dits catégoriels (affectant une catégorie d’items, par exemple les animaux) semble s’être développée d’une façon indépendante de la psychologie cognitive; beaucoup de ces travaux s’appuient pourtant sur une vision du même ordre, associationniste et multimodale, des « concepts », selon laquelle l’accès aux concepts correspond à l’activation d’un faisceau de représentations issues des modalités sensorielles149. Et notons, encore une fois, que cette vision est ancienne : c’était déjà celle, en neurologie, de Wernicke et de Lissauer150. Ainsi, à un siècle de distance, nous voyons Lissauer (1890) et Damasio (1989) expliquer que le concept de violon est la co-activation des représentations modales associées à l’instrument.

  8. Nous pouvons ajouter à ce conglomérat les hypothèses qui font des neurones-miroirs le support des simulations. Cette hypothèse a suscité le plus grand intérêt chez les « simulationnistes », et Johnson a tôt fait de l’annexer à sa propre vision des schémas151. Rappelons que l’hypothèse postule pour les êtres humains l’existence de neurones qui, dans le cortex somatomoteur, s’activent non seulement lors de l’accomplissement d’une certaine action mais aussi lors de la simple perception d’une action. Différentes classes de neurones-miroirs ont été mises en évidence chez le macaque, distinguées par la plus ou moins grande congruence de l’action observée et de l’action accomplie, et leur sensibilité à l’action elle-même, ou au but de l’action152. Cette hypothèse a séduit non seulement parce qu’elle passait pour avoir localisé l’implémentation neuronale des simulations, mais aussi parce que ses auteurs identifiaient la compréhension d’une action extérieure à sa simulation interne. Cette perspective était donc en phase avec celles de Barsalou et Johnson sur le fondement corporel de la signification. Soulignons toutefois que l’hypothèse demeure controversée153.

  9. En résumé, une notion associée à l’empirisme (la métaphore conceptuelle) et mariée à celle de schème sensori-moteur a été intégrée ensuite à un conglomérat de perspectives « simulationnistes », certaines ayant déjà un arrière-plan historique qui pouvait être spécifique à un champ disciplinaire (comme la neuropsychologie). Cette intégration s’est accompagnée d’un rapprochement avec les méthodes expérimentales.  

Le décloisonnement de la linguistique

  1. Par décloisonnement j’entends ici faire allusion au processus qu’on pourrait aussi désigner de façon plus barbare comme la démodularisation du langage, c’est-à-dire l’avènement de positions niant que le langage soit une faculté modulaire ou autonome, avec en ligne de mire la grammaire générative. Ce décloisonnement a emprunté deux voies : la psychologisation et la fonctionnalisation. La psychologisation fait reposer l’explication de phénomènes linguistiques sur des facultés générales que l’on peut énumérer: mémoire, conscience, attention, images mentales, perception et ségrégation figure / fond (gestalt), schèmes sensori-moteurs, catégorisation, processus inductif d’abstraction. La fonctionnalisation insiste sur le rôle que jouent les facteurs liés à la « performance » et aux nécessités de la communication pour la formation des structures linguistiques elles-mêmes. Ces deux tendances ne sont pas exclusives et peuvent d’ailleurs être conjointes. Mais commençons par un exemple de psychologisation.

  2. Dès les années 1960, certains linguistes portent leur regard sur les structures faiblement productives, qui sont à leurs yeux hors du champ de la grammaire générative. Collocations et idioms, contraintes motivées ou obscures sur les séquences possibles (long ago mais pas *short ago) conduisent Bolinger154 à insister sur l’importance de la mémorisation de blocs préfabriqués (ou prefabs, Bolinger155) pour la production linguistique. Soulignant pour leur part le rôle de la phraséologie dans le parler « naturel », Pawley et Syder156 posent, à côté des règles productives, l’existence de constructions mémorisées plus ou moins abstraites, contenant des places vides, qu’ils appellent des sentence stems. De même, Fillmore, qui avait conservé la mémoire de ses débuts distributionnalistes, envisage les constructions comme des patrons morphosyntaxiques contenant des sites instanciables (donc ouvert aux alternances distributionnelles), et soumis à des conditions d’emploi d’ordre sémantique et pragmatique157. Goldberg, élève de Fillmore, reprend des travaux issus de la sémantique générative (en part. ceux de Green 1974, mentionnés plus haut), et développe une théorie qui combine la notion de prototype, celle de construction à places vides, et celle de constructional meaning, qu’on trouvait déjà chez les structuralistes158. Langacker159 articulera ces différents points de vue en une synthèse empiriste : les structures linguistiques sont acquises par un processus d’abstraction opérant sur des patrons récurrents associant forme et sens. Ainsi, mémoire et induction sont les facultés générales qui permettent d’expliquer l’acquisition et la production des structures linguistiques. Cette perspective a reçu en outre le soutien d’acquisitionnistes comme Tomasello160. Nous voici parvenus aux antipodes de la vision chomskyenne initiale, celle d’une faculté de langage autonome dont le cœur est constitué de principes et de règles innés, et dont la productivité est contrainte par des facteurs extérieurs.

  3. Dans cette même veine, il serait possible d’illustrer l’application d’autres notions psychologiques, comme celles d’attention, de conscience, de ségrégation figure / fond etc. Particulièrement répandu, en linguistique cognitive, est l’usage de représentations diagrammatiques censées correspondre à des images mentales, dont l’existence a été relégitimée, rappelons-le, dans les années 1960-70. Le statut de ces représentations n’est pas très clair : si ce sont des schémas psychologiquement réels, leur généralité est en revanche celle de significations abstraites des contextes d’usage particuliers. D’autre part, chez Langacker notamment, ces représentations cachent des types d’isomorphisme très différents : la représentation arborescente d’un réseau de parenté n’a pas le même statut que le diagramme représentant le sens concret du mot ring, non plus que la représentation scalaire d’adjectifs ou d’adverbes comme fast. Parmi les motivations qui ont présidé à cet usage massif des représentations diagrammatiques figure le souhait de trouver une paraphrase non-propositionnelle des énoncés de langues distinctes. Le code imagé est censé être neutre, et à l’abri des biais implicites instillés par des concepts qui proviennent en fait de l’anglais161. Une justification du même ordre se trouvait déjà chez Whorf, chez qui on peut observer l’emploi de schémas proches de ceux de Langacker162. Enfin, les représentations diagrammatiques sont favorisées par une approche de la sémantique qui est souvent localiste, c’est-à-dire postule la primauté des significations spatiales, dont sont dérivées les acceptions abstraites par métaphorisation (cf. Lindner 1981, élève de Langacker, pour une tentative précoce dans cette direction).

  4. Venons-en maintenant à ce que j’ai appelé la fonctionnalisation, autrement dit au rôle des contraintes fonctionnelles sur la formation des structures. Nous en trouvons des prodromes chez des psycholinguistes. Ainsi, Bever (1970), qui travaillait sur les stratégies possibles employées pour segmenter et analyser les énoncés, suggère que certaines structures n’existent que pour permettre d’appliquer ces stratégies sans problèmes : « we can expect that certain aspects of sentence structure reflect the perceptual constraints placed on it by the child as he learns the structure and by the adult as he uses the structure163 ». Un exemple peut suffire. Une stratégie d’analyse des séquences N-V-N consiste à en faire d’abord une proposition indépendante interprétable en ‘agent-action-objet’. L’emploi de  marqueurs de subordination a pour but d’empêcher l’application de cette stratégie quand elle conduit à une analyse fausse :

(6) The fact that / That / The fact the door was discovered to be unlocked amazed the tenants.

mais non

(7) *The door was discovered to be unlocked amazed the tenants.

  1. À la même époque, mais avec plus de radicalité, Givón164 rejette les principes génératifs, essentiellement pour les remplacer par des considérations sur la structure informationnelle et la pragmatique, la facilité de traitement, la conceptualisation des entités et de leurs propriétés, la routinisation des structures. À la contrainte censée être universelle qui, chez les générativistes, servait à exclure

(8) * The man that I saw the dog that bit.

il oppose l’existence de variétés non-standard et de langues à pronom résomptif, permettant des énoncés du type

(9) The man that I saw the dog that bit him.

  1. Pour Givón, les diverses stratégies de relativation, comme celle du pronom résomptif, peuvent être expliquées par le fait qu’elles facilitent le traitement de structures complexes et visent à retrouver l’antécédent du constituant relativé. Les structures mises en place par ces stratégies sont donc en fait des solutions fonctionnelles.

  2. Fondamentalement, la linguistique cognitive et la linguistique fonctionnelle ont ceci de commun qu’à leurs yeux, pour paraphraser Givón, une véritable explication n’est possible que s’il est fait référence à quelque chose qui se trouve en dehors du système et au-delà de la description des formes165. En caricaturant quelque peu, puisqu’il existe des points de contact entre ces deux courants, nous dirions que cet au-delà concerne, pour la linguistique cognitive, les modes de conceptualisation et l’expérience du monde, et pour la linguistique fonctionnelle les stratégies trouvées pour résoudre des problèmes liés à la communication de l’information.

Conclusion

  1. Au terme de ce parcours, nous pouvons isoler, dans la représentation que se font les acteurs de l’évolution de leurs disciplines, quatre moments : le mentalisme pré-behavioriste; la configuration structuralo-behavioriste ou, selon le terme préféré de Bloomfield, le physicalisme ; le cognitivisme, illustré par les changements survenus en psychologie et l’avènement de la grammaire transformationnelle ; les linguistiques « décloisonnées ». Ces moments ont été constitués de telle sorte par les acteurs qu’ils correspondent à chaque fois à une association entre une philosophie, une psychologie et une linguistique, avec des interactions ; ainsi la grammaire transformationnelle a-t-elle donné forme à un courant de la psycholinguistique. A chaque fois se manifeste chez les acteurs une tendance à occulter les travaux immédiatement antérieurs, dans le but de prétendre refonder la linguistique. Les oppositions apparaissent forcées : d’un côté, des générativistes affirment que la linguistique structuraliste est l’addition d’une méthode, d’une épistémologie, d’une psychologie et de descriptions toutes défectueuses166, de l’autre on ne peut s’empêcher de constater, sur certains points théoriques, la proximité de Bloch, Hockett, Harris et Chomsky (voir l’excellente discussion de Matthews167). Certes, il existe bien une configuration théorique qui unit le médiationnisme, la théorie de l’information, et des processus du type des chaînes de Markov (voir Miller 1951), mais elle ne concerne pas les linguistes de l’époque.

  2. Nous avons vu que la grammaire transformationnelle a sécrété une théorie qui se voyait comme son prolongement, la sémantique générative. D’autre part, c’est du sein de la sémantique générative que se sont formées des théories affiliées aujourd’hui, par suite d’emprunts réciproques, à la linguistique cognitive. Ici encore, l’affirmation de ruptures nettes s’autorise d’oppositions entre configurations philosophico-psychologico-linguistiques : empirisme et corporéité contre rationalisme, cognition symbolique et code amodal contre cognition incarnée (embodiment), formalisme et autonomie de la faculté de langage contre anti-formalisme et recours à des facultés et processus généraux. Ces oppositions ne sont pas imaginaires et il existe en effet des corrélations entre les disciplines. En ce qui concerne les rapports de la psychologie et de la linguistique, les notions « mentalistes » (image, gestalt, schéma, traitement sémantique, prototype etc.) resurgissent presque au même moment dans les deux disciplines. Néanmoins, tendent à être masquées des continuités historiques : entre le Bloomfield mentaliste et le Bloomfield physicaliste, entre les post-bloomfieldiens et les transformationnalistes, entre la sémantique générative et la linguistique cognitive. Dans cette trame historique, c’est la dernière venue, la linguistique cognitive, qui se démarque le plus en tendant la main à des champs et à des idées qui s’étaient développés avant le structuralisme américain, et parfois bien avant (songeons aux métaphores conceptuelles et au localisme).

  3. Les modèles théoriques ont leurs angles morts, et ceux-ci constituent un autre moteur de l’évolution. La grammaire transformationnelle a suscité des contre-modèles aussi parce que les phénomènes sous-productifs, ou le rôle des stratégies employées dans la performance (pour se limiter à nos exemples) semblaient des questions insuffisamment traitées. De même, aux yeux de certains, les règles de la grammaire transformationnelle semblaient trop descriptives et pas asez explicatives. La recherche d’un niveau explicatif fonctionnel a préludé à des hypothèses cognitives chez Langacker168, et à des hypothèses liées au traitement de l’information chez Givón169.

  4. Dans une autre perspective, nettement moins agonistique, nous pouvons concevoir cette histoire comme Hymes et Fought ont envisagé le structuralisme : la conquête progressive de territoires par la linguistique américaine, et la formation d’une conscience de soi par la génération associée à cette évolution. « In sum, disent-ils, a successful movement appears to have three ingredients : in form, rejection of a preceding dominant approach ; in content, development of a new sector of language ; in context, formation of a generational consciousness170 ». De ce point de vue, l’évolution de la linguistique présentée ici peut se concevoir comme la conquête successive de la syntaxe et de la sémantique à partir d’une époque centrée sur la phonologie et la morphologie, conquête où chaque stade contient les germes de l’approche qui va officiellement le subvertir. Ouvrir des champs d’investigation, éventuellement en réactivant des idées anciennes, et d’autant plus acceptables qu’elles sont familières, apparaît comme un moyen efficace de provoquer l’adhésion. On pourra trouver particulièrement détournée la réactivation de la sémantique lexicale ou de la formation analogique par le biais (mais pas seulement) de la théorie du prototype, mais l’important est que ces champs aient été réouverts et aient fourni du grain à moudre à la génération qui a vécu sa seconde « révolution » cognitive, post-générativiste.

  5. Enfin, une continuité traverse l’histoire dont nous avons tenté de livrer un récit : les moments fondateurs (associés ici à Bloomfield, Chomsky, aux linguistes cognitivistes) correspondent à des prises de position susbtantialistes, selon le sens donné à ce terme par Auroux171 : les connaissances linguistiques y sont conçues comme portant sur des phénomènes psychophysiologiques, et éventuellement (chez Bloomfield) des régularités abstraites des échanges sociaux. Ces connaissances ne sont donc pas des artefacts destinés à mettre de l’ordre dans des faits, et dans des faits qui seraient imprescriptiblement normatifs (comme le soutient Auroux). Les positions substantialistes n’en sont pas moins soumises à deux facteurs qui les fragilisent : le maintien de l’autonomie de la linguistique et de ses critères de validation à l’égard de la psychologie et des neurosciences ; et la technicisation des outils descriptifs lorsqu’ils peuvent être employés sans leur conférer un contenu cognitif. Ainsi, les principes d’économie descriptive et de mise en ordre des faits sont des normes qui n’ont pas de raison de correspondre à une réalité mentale ; faute de validation psychologique, il n’y a pas de raison de croire qu’un réseau radial organisant les significations d’un mot polysémique ait une réalité autre qu’artefactuelle. Il existe donc une tension entre la psychologie des processus individuels et les représentations attribuant une organisation cognitive à un ensemble de phénomènes en fonction de critères relatifs à l’élégance de l’analyse.

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3 E. Walker, ed., Report of the State of the Art Committee to the Advisors of the Alfred P. Sloan Foundation.

4 D. Marr, Vision.

5 W. K. Percival, « The Applicability of Kuhn's Paradigms to the History of Linguistics », 285-294.

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7 B. J. Baars, « The Cognitive Revolution in Psychology ».

8 R. J. Greenspan, et B. J. Baars, « Consciousness Eclipsed : Jacques Loeb, Ivan Pavlov and the Rise of Reductionistic Biology After 1900 ».  

9 J. Loeb, The Mechanistic Conception of Life.

10 G. Bohn, La Naissance de l’intelligence.

11 G. Hatfield, The Natural and the Normative.

12 D. Hartley, Observations on Man, his Frame, his Duty, and his Expectations.

13 T. H. Leahey, A History of Modern Psychology, 201-202.

14 C. E. Osgood, « The Nature and Measurement of Meaning ».

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17 L. Bloomfield, Leonard, An Introduction to the Study of Language.

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19 L. Bloomfield, « A Set of Postulates for the Science of Language », 153-164.

20 A. P. Weiss, « One Set of Postulates for a Behavioristic Psychology », 83-87.

21 J. Joseph, From Whitney to Chomsky: Essays in the History of American Linguistics, 143.

22 B. Delbrück, Die Grundfragen der Sprachforschung.

23 L. Bloomfield,Tagalog Texts with Grammatical Analysis.

24 L. Bloomfield, Language , 38.

25 Ibid., 32.

26 E. A. Esper, Analogy and Association in Linguistics and Psychology, 142.

27 M. F. Washburn, « Introspection as an Objective Method ».

28 A. P. Weiss, A Theoretical Basis of Human Behavior, 261. Cf. aussi L. Bloomfield, « Language or Ideas ».

29  L. Bloomfield, « Language or Ideas ».

30 A. P. Weiss, « One Set of Postulates for a Behavioristic Psychology », 83-87 ; A. P. Weiss, A Theoretical Basis of Human Behavior.

31 A. P. Weiss, « One Set of Postulates for a Behavioristic Psychology », 86.

32 L. Bloomfield, « Menomini Morphophonemics ».

33 K. L. Pike, « Taxemes and Immediate Constituents ».

34 E. A. Nida, A Synopsis of English Syntax.

35 R. S. Wells, « Immediate Constituents ».

36 N. Chomsky, « The Logical Basis of Linguistic Theory », 947, cité in P. H. Matthews, Grammatical Theory in the United States from Bloomfield to Chomsky, 96.

37 G. L. Trager, et H. L. Smith, An Outline of English Structure.

38 C. C. Fries,  « Meaning and Linguistic Analysis », 58.

39 C. C. Fries, The Structure of English. C. C. Fries, « Meaning and Linguistic Analysis ».

40 P. H. Matthews, Grammatical Theory in the United States from Bloomfield to Chomsky, 121s.

41 C. C. Fries, The Structure of English.

42 B. Bloch, « Studies in Colloquial Japanese: II: Syntax ».

43 C. Hull, « Goal Attraction and Directing Ideas Conceived as Habit Phenomena » ; C. Hull, Principles of Behavior: An Introduction to Behavior Theory.

44 J. J. Jenkins, et D. S. Palermo, « Mediation Processes and the Acquisition of Linguistic Structure ».

45 C .W. Morris, « Foundations of the Theory of Signs ».

46 B. J. Baars, « The Cognitive Revolution in Psychology ».

47 Ibid., 246.

48 J. J. Katz, et  J. A. Fodor, « The Structure of a Semantic Theory ».

49 C. Shannon, « A Mathematical Theory of Communication ».

50 B. J. Baars, « The Cognitive Revolution in Psychology », 286.

51 S. Auroux, « Histoire des sciences et entropie des systèmes scientifiques : les horizons de rétrospection ».

52 U. Neisser, Cognitive Psychology.

53 G. A. Miller, et J. A. Selfridge, « Verbal Context and the Recall of Meaningful Material ».

54 N. Chomsky, Syntactic Structures, chap. 2, section 2.4.

55 G. A. Miller, Language and Communication, 192.

56 C. F. Hockett, A Course in Modern Linguistics, 137.

57 Osgood et Seboek 1969, cité dans T. A. Fodor, G. Thomas , M. F. Garrett, The Psychology of Language, 53.

58 Par ex. J. S. Bruner, « On Perceptual Readiness ».

59 J. M. Fortis, « De l’hypothèse de Sapir-Whorf au prototype : sources et genèse de la théorie d’Eleanor Rosch ».

60 B. J. Baars, « The Cognitive Revolution in Psychology », 234-5.

61 Cf. par ex. sur la MCT L. R. Peterson et M. J. Peterson,  « Short-Term Retention of Individual Verbal Items ».

62 . F. I. M. Craik et R. S. Lockhart, « Levels of Processing: A Framework for Memory Research ».

63 W. Wundt, Grundriß der Psychologie, § 16.

  • J. M. Fortis, « Image mentale et représentation propositionnelle »,  253-305.

65 H. H. Clark, P. A Carpenter et M. A. Just, « On the Meeting of Semantics and Perception ».

66 R. S. Moyer et R. H. Bayer, « Mental Comparison and the Symbolic Distance Effect ».

67 J. Huttenlocher, « Constructing Spatial Images: A Strategy in Reasoning », 550-560.

68 Cf. p. ex. E. Walker, Report of the State of the Art Committee to the Advisors of the Alfred P. Sloan Foundation, 95-6.

69 D. W. Lightfoot, « Introduction » ; Chomsky, Noam, Syntactic Structures, v.

70 F. Newmeyer, Linguistic Theory in America.

71 P. Seuren,Western Linguistics: An Historical  Introduction, 233-252.

72 P. H. Matthews, Grammatical Theory in the United States from Bloomfield to Chomsky, 132-4

73 Cf. R. A. Harris,The Linguistic Wars, 54.

74 Voir la discussion de P. Seuren,Western Linguistics: An Historical  Introduction, 253-5.

75 N. Chomsky, « Review of B.F. SkinnerVerbal Behavior »,43 ; mes italiques.

76 M. Thomas, « Development of the Concept of the Poverty of the Stimulus », 53.

77 R. A. Harris The Linguistic Wars, 269.

78 N. Chomsky « Review of B. F. SkinnerVerbal Behavior », 57.

79 N. Chomsky, Aspects of the Theory of  Syntax, 25.

80 E. H. Lenneberg, « The Capacity for Language Acquisition ».

81 H. Aarsleff, « The History of Linguistics and Professor Chomsky ».

82 N. Chomsky, Rules and Representations.

83 D. H  Hubel et T. N. Wiesel, « Receptive Fields of Cells in Striate Cortex of Very Young, Visually Inexperienced Kittens »,  994-1002 et « Comparison of the Effects of Unilateral and Bilateral Eye Closure on Cortical Unit Responses in Kittens », 1029–1040.

84 N. Chomsky, Réflexions sur le langage, 76.

85 N. Chomsky, Règles et représentations, 225.

86 R. Lakoff,« The Way We Were or the Real Actual Truth About Generative Semantics: A Memoir ».

87 J. J. Katz, et P. M. Postal, An Integrated Theory of Linguistic Descriptions, 129.

88 L. Bloomfield, Language, 213.

89 J. J. Katz, et P. M. Postal, An Integrated Theory of Linguistic Descriptions.

90 Cf. détails in J. A. Fodor, T. G. Bever, et M. F. Garrett, The Psychology of Language.

91 B. J. Baars, « The Cognitive Revolution in Psychology », 243.

92 N. Chomsky, Aspects of the Theory of  Syntax, 4.

93 Ibid.

94    Ibid, 9.

  • Cf. par ex. N. F. Johnson, « The Psychological Reality of Phrase-Structure Rules » et J. A. Fodor, T. G. Bever, et M. F. Garrett, The Psychology of Language.
  •  Cf. par ex. A. L.  Blumenthal et R. Boakes, « Prompted Recall of Sentences, a Further Study ».

97 Cf. pour un exemple J. A. Fodor, T. G. Bever, et M. F. Garrett, The Psychology of Language, 259-63.

98 J. Greene, Memory, Thinking and Language. Topics in Cognitive Psychology, 70.

99 N. Chomsky, Règles et représentations, en part. c. 5.

100 P. H. Matthews, Grammatical Theory in the United States from Bloomfield to Chomsky, 167.

101 J. J. Katz et P. M. Postal, An Integrated Theory of Linguistic Descriptions, 140.

102 Cf. G. J. Huck et J. A. Goldsmith, Ideology and Linguistic Theory: Noam Chomsky and the Deep Structure Debate, 98-99.

103 J. McCawley, Notes from the Linguistic Underground. Syntax and Semantics in G. J. Huck et J. A. Goldsmith, Ideology and Linguistic Theory: Noam Chomsky and the Deep Structure Debate, 18.

104 Cf. M. Galmiche, La Sémantique générative, et P. Seuren, Western Linguistics: An Historical Introduction, 492-512.

105  Lakoff in G. J. Huck et J. A. Goldsmith, Ideology and Linguistic Theory: Noam Chomsky and the Deep Structure Debate, 107.

106 J. D. McCawley, « Where Do Noun Phrases Come From? ».

107 G. Lakoff, Irregularity in Syntax.

108 Ibid.

109 Ibid., 159.

110 J. R. Ross, « Nouniness ».

  • J. M. Fortis, « De la grammaire générative à la Grammaire Cognitive : origines et formation de la théorie de Ronald Langacker » et « La Notion de grammaire usage-based chez Langacker : émergence et développement ».

112 W. Chafe, Meaning and the Structure of Language, 268.

113 J. M. Fortis, « Localisme et théorie des cas ».

114 B. L Whorf, Language, Thought, and Reality.

115 Cf. par ex. R. W. Langacker, « Semantic Representations and the Linguistic Relativity Hypothesis ».

116 Cf. le célèbre exemple [CAUSE [BECOME [DEAD]]] > kill, in J. D. McCawley, « Where Do Noun Phrases Come From? »

  • L. Talmy, « How Language Structures Space »; « The Relation of Grammar to Cognition » et « Force Dynamics in Language and Cognition ».

118 L. Talmy,  « Lexicalization Patterns: Semantic Structure in Lexical Form » et « Path to Realization: a Typology of Event Conflation ».

119 R. W. Langacker, et P. Munro, « Passives and their Meaning ».

120 R. W. Langacker, Foundations of Cognitive Grammar, vol.2: Descriptive Application.

121 G. Lakoff, George, « Linguistic Gestalts ».

122 G. Lakoff, George, « Categories: An Essay in Cognitive Linguistics », 83.

123 J. M. Fortis, « Family Resemblance and Semantics: The Vagaries of a not so New Concept ».

124 D. Davidson, « On the Very Idea of a Conceptual Scheme ».

125 G. Kleiber, La Sémantique du prototype.

126 D. Geeraerts, « Problems and Prospects of Prototype Theory ».

127 F. Rastier, « La Triade sémiotique, le trivium et la sémantique linguistique ».

128 N. Riemer, « Conceptualist Semantics ».

129 J. L. Bybee et D. I . Slobin « Rules and Schemas in the Development and Use of the English Past Tense ».

130 J. L. Bybee, Language, Usage and Cognition.

131 G. Lakoff  et M. Johnson, Metaphors We Live By.

132 R. P. Honeck, « Historical Notes on Figurative Language ».

133 G. Lakoff et M. Johnson, Metaphors We Live By, 41s et G. Lakoff, « The Invariance Hypothesis : Is Abstract Reason Based on Image-Schemas? ».

134 G. Lakoff et M. Johnson, Metaphors We Live By, 59.

135 J. Locke, An Essay Concerning Human Understanding,  II.i.x, §103.

136 M. Johnson, « Introduction: Metaphor in the Philosophical Tradition ».

137 Cf. B. Nerlich et D. Clarke, « Mind, Meaning and Metaphor: the Philosophy and Psychology of Metaphor in 19th-Century Germany ».

  • G. W. Leibniz, « Analysis particularum » et « De lingua philosophica ».

139 J. Harris, Hermes or a Philosophical Inquiry Concerning Universal Grammar.

140 L. Formigari, Language and Experience in 17th Century British Philosophy.

141 J. Piaget, « Logique et équilibre dans les comportements du sujet ».

142 M. Johnson, The Body in the Mind: The Bodily Basis of Meaning, Imagination and Reason, 80-2.

143 M. Rakova, « The Philosophy of Embodied Realism: A High Price to Pay? »

144 E. Winner, The Point of Words: Children’s Understanding of Metaphor and Irony.

145 O. Hauk et al., « Somatotopic Representation of Action Words in Human Motor and Premotor Cortex ».

146 Cf. entre autres, J. D. Bransford et M. K. Johnson, « Considerations on Some Problems of Comprehension », et G. H. Bower et D. G. Morrow « Mental Models in Narrative Comprehension ».

147 Cf. L. W., « Grounded Cognition ».

148 H. Steinthal, Einleitung in die Psychologie und Sprachwissenschaft.

149 J. M. Fortis, « La Réalité cérébrale des catégories sémantiques ».

150 D. Kemmerer, Cognitive Neuroscience of Language, 274-6.

151 M. Johnson et T. Rohrer, « We Are Live Creatures: Embodiment, American Pragmatism and the Cognitive Organism ».

152 G. Rizzolatti et L. Craighero, « The Mirror-Neuron System ».

153 G. Hickock, « Eight Problems for the Mirror Neuron Theory of Action Understanding in Monkeys and Humans ».

154 D. Bolinger, « Meaning Memory », et Meaning and Form.

155 D. Bolinger, Aspects of Language.

156 A. Pawley, F. H. Syder, « Two Puzzles for Linguistic Theory: Nativelike Selection and Nativelike Fluency ».

157 Cf. J. Fillmore et al. « Regularity and Idiomaticity in Grammatical Constructions: The Case of let alone »; P. Kay et C. Fillmore, « Grammatical Constructions and Linguistic Generalizations: The What’s X Doing Y? Construction ».

158 A. E. Goldberg, Constructions: A Construction Grammar Approach to Argument Structure.

159 R. W.  Langacker, « A Usage-Based Model ».

160 M. Tomasello, Constructing a Language: A Usage-based Theory of Language Acquisition.

161 R. W. Langacker, « Semantic Representations and the Linguistic Relativity Hypothesis ».

162 B. L. Whorf, « Languages and Logic », 233 sqq.

163 T. G. Bever, « The Cognitive Basis for Linguistic Structures », 113.

164 T. Givón, On Understanding Grammar.

165 T. Givón, On Understanding Grammar, 7-8.

166 J. A. Fodor et al., The Psychology of Language.

167 P. H. Matthews, Grammatical Theory in the United States from Bloomfield to Chomsky.

168 R. W. Langacker, « Movement Rules in Functional Perspective ».

169 T. Givón, On Understanding Grammar.

170 D. H. Hymes et J. G. Fought,  American Structuralism, 235.

171 S. Auroux, La Raison, le langage et les normes.



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